Il est assez simple : il a pour objectif de rétablir la rédaction initiale qui avait été proposée par le Gouvernement. Je vais tout de suite expliquer la position globale du Gouvernement sur l'ensemble des sous-amendements qui seront présentés ensuite.
Nombre d'entre vous m'ont interrogée tout au long de l'après-midi sur la position de la Haute Autorité de santé. En commission spéciale, ceux qui y siégeaient s'en souviennent, j'avais dit l'avoir saisie le 22 avril dernier, et je vous avais fait part de la réponse que m'avait adressée son président, le professeur Lionel Collet. Après m'avoir remerciée de la confiance que je lui témoignais, il m'a indiqué que « l'élaboration d'une recommandation de bonnes pratiques professionnelles de la HAS s'étale de manière générale sur dix-huit mois » et que « ce délai intègre certaines étapes propres à [ses] travaux et à leur qualité et notamment l'élaboration d'une note de cadrage, la constitution du groupe de travail, l'analyse de la littérature, la préparation d'un avis et la mise en place d'un groupe de lecture ainsi que d'éventuelles auditions de représentants de pays étrangers ayant déjà mis en place des dispositifs liés à la fin de vie et une consultation publique qui apparaît pertinente a priori compte tenu de la nature du sujet traité ».
M. le président de la HAS ajoutait : « Nous mesurons pleinement les attentes concernant ce sujet. En conséquence, nous proposons de publier en juin 2024 une note de cadrage de notre recommandation de bonne pratique, puis une note d'avancement de son élaboration au dernier trimestre 2024, avant de communiquer la version finale de notre recommandation dès [son] adoption par le collège et d'ici le deuxième trimestre 2025. » J'ai revu depuis le professeur Collet et lui ai demandé dans quelle mesure la Haute Autorité pouvait accélérer ses travaux pour que nous puissions disposer, au moins au cours de la navette, de sa version définitive.
Entretemps, d'autres professionnels ont donné leur avis. Il en a beaucoup été question depuis le début de la discussion ; je voudrais donc vous faire part de trois d'entre eux. Le premier émane du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), qui a publié hier, le 5 juin 2024, le communiqué suivant : « L'Ordre des médecins rappelle sa position sur les conditions d'accès à l'aide à mourir. À l'heure de l'examen en séance publique de l'article 6 du texte relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie, le Conseil national de l'Ordre des médecins souhaite rappeler sa position constante au sujet des conditions d'accès à l'aide à mourir. La commission spéciale sur la fin de vie a remplacé la formulation être atteinte d'une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme, inscrite dans le projet initial du Gouvernement, par [la mention] être atteinte d'une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale. Le texte amendé par la commission spéciale introduit une notion qui ne permet pas au médecin de déterminer le stade à partir duquel le patient va pouvoir formuler une demande d'aide à mourir, et rend plus difficile l'appréciation de ce critère d'éligibilité ainsi élargi. Il faut que la loi soit claire et précise afin d'éviter toute confusion. »
Lundi 3 juin 2024, l'Académie de médecine a quant à elle publié le communiqué suivant : « Après l'avis Favoriser une fin de vie digne et apaisée de l'Académie nationale de médecine et le projet de loi sur l'aide à mourir du Gouvernement, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a modifié la troisième condition d'accès à l'aide à mourir en substituant [à] la mention d'[une] affection grave et incurable engageant un pronostic vital à court et moyen terme [les mots] en phase avancée ou terminale. L'Académie nationale de médecine estime que le qualificatif de phase avancée est inadapté et dangereux. Une fois le pronostic vital effacé, il risque d'inclure les personnes atteintes d'une maladie certes a priori incurable mais avec laquelle il est possible de vivre longtemps. Il en est ainsi, par exemple, des malades atteints de maladies neurodégénératives sévères, des malades atteints de cancers avec métastases […] ou [des personnes] atteintes d'une maladie chronique avec des complications. En complément, l'Académie nationale de médecine alerte sur la proposition de la commission […]. »
Le dernier avis que je veux vous soumettre est celui du professeur Régis Aubry, qui a été souvent invoqué dans l'hémicycle : « Pourquoi l'expression moyen terme me semble préférable à l'expression maladie en phase avancée ou terminale ? », écrit-il. Il poursuit : « L'expression moyen terme signifie à mon sens quelques semaines à quelques mois, moins d'un an. Cette expression relève d'une évaluation. Elle n'est donc pas et ne peut pas être une vérité, la vérité pronostique n'existant pas. Cette évaluation doit à mon sens être laissée à l'appréciation du médecin, se fondant sur les données de la science, sur l'approche des autres professionnels qui interviennent auprès de la personne malade et enfin sur la connaissance qu'il a de la personne malade. Nous disposons de résultats de travaux de recherche pour considérer que le terme de moyen terme est approprié et pragmatique. L'analyse de la littérature montre que les soignants sont plutôt optimistes dans l'estimation d'un pronostic vital. […] L'expression phase avancée ou terminale me semble plus problématique. Un médecin, un professionnel de santé peut sans difficulté reconnaître la phase ultime ou agonique d'une maladie. Il peut approcher la notion de phase terminale, qui correspond à l'échappement des thérapeutiques spécifiques proposées, la rémission n'étant plus possible. Lors de la phase terminale, seule une prise en charge palliative est réaliste. Cette phase peut durer plusieurs mois. En revanche, la notion de phase avancée ne me semble pas définie de façon formelle et est beaucoup trop vague […]. Elle signifie que la guérison n'est plus possible, mais elle peut, du fait de certains traitements, correspondre à des maladies dont le pronostic vital peut être de plusieurs années. »
Tels sont les éléments dont je dispose et qui me conduisent à vous dire que je souhaite, au nom du Gouvernement, réintroduire la version initiale de l'alinéa 7 de l'article 6, à savoir les mots « engageant son pronostic vital à court ou moyen terme ».