Faire de Paris la première place financière d'Europe est bien loin de suffire à accroître le financement de l'économie française. C'est pourtant l'objectif de cette proposition de loi – mais en est-ce vraiment une ? Elle fait figure de quasi-projet de loi, tant vous tordez le cou aux règles parlementaires élémentaires. Une telle méthode nous contraint à légiférer à vue sur une matière technique, sans précisément connaître les enjeux et les conséquences de certaines dispositions.
Sous un titre alléchant et plein de promesses se cache en réalité une proposition de loi dictée par les lobbys de la finance, bien loin des préoccupations des TPE et des PME qui ne trouveront dans le texte aucune réponse à leurs difficultés de financement. Il aurait fallu commencer par traiter la question de l'accès au crédit bancaire et de son coût pour les petites et moyennes entreprises – leurs conditions d'endettement s'étant particulièrement dégradées depuis la crise du covid. Or le texte n'en dit rien.
L'essentiel des dispositions importantes est contenu dans le titre Ier . Elles visent principalement à faciliter l'introduction en Bourse et les émissions d'actions. Faciliter le financement des entreprises, y compris par une augmentation de capital accueillant de nouveaux investisseurs, réclamait d'assurer à ces entreprises les protections suffisantes ; or c'est tout le contraire qui est fait. Il n'est pas difficile de saisir l'objectif visé par la création d'actions de préférence, qui permettront de démultiplier les droits de vote d'une seule action : il s'agit d'ouvrir et d'accroître le capital sans diluer la gouvernance. Cependant, qu'est-ce qui garantit que ces actions resteront effectivement aux mains des dirigeants, sans tomber dans celles d'investisseurs voraces ?
Les promesses d'actions risquent également d'exposer les entreprises à une forte instabilité en cas d'attaque spéculative des marchés. Enfin, les dérogations à la souscription préférentielle sont tout bonnement contreproductives : elles vont à l'inverse des objectifs affichés, puisqu'elles pourraient conduire à la perte de contrôle des dirigeants sur leur entreprise. Ces trois dispositifs illustrent combien la croissance rapide d'une entreprise est susceptible de la mettre en difficulté. Cependant, comment peut-elle se doter d'une stratégie de développement à long terme lorsque le capital exige toujours davantage de rendements, toujours plus vite ?
En étendant la financiarisation à de nouvelles entreprises, vous soumettez encore un peu plus l'économie réelle aux règles de la finance – une finance déconnectée des territoires, des secteurs économiques et des enjeux écologiques et qui, par le jeu de la concurrence, aggrave les manques de financement de nombreux secteurs jugés trop peu lucratifs. Faire croître de manière dérégulée les entreprises, sans contrôle, en les jetant aux mains des marchés financiers, s'avère dangereux pour elles et inutile pour la société. De la même manière, faire de Paris la première place financière d'Europe ne peut constituer en soi un objectif de politique économique. Dans la continuité des lois antérieures – la loi Pacte de 2019 comme la loi de 2023 relative à l'industrie verte –, la ligne directrice du Gouvernement se borne à simplifier, à déréguler et à réduire les prélèvements. Cela ne peut fonder une politique économique digne de ce nom. Dans ces circonstances, le groupe Gauche démocrate et républicaine maintiendra sa position exprimée en première lecture et votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire.