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Intervention de Philippe Brun

Séance en hémicycle du mercredi 5 juin 2024 à 14h00
Accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Brun :

Je dois vous avouer, monsieur le rapporteur, que j'ai eu la larme à l'œil durant quelques instants, en vous écoutant évoquer nos entreprises françaises, creuset d'intelligence et d'action, ainsi que nos entrepreneurs que nous devons soutenir.

J'ai également pensé au terrible financement de l'économie, ainsi qu'aux difficultés que connaissent les start-up, elles qui pouvaient encore bénéficier en 2021 de 13 milliards d'euros d'investissements, hélas réduits à seulement 8 milliards en 2023…

La proposition de loi permet-elle d'accroître le financement de l'économie et d'aider nos entreprises ? C'est tout le contraire, comme je vais vous le démontrer au nom du groupe Socialistes.

Cette proposition de loi que le Gouvernement, par le truchement du rapporteur, s'est plu à intituler « proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France » aurait été mieux nommée « proposition de loi portant diverses dispositions d'adaptation du code monétaire et financier aux nécessités du moment ». On peine à percevoir la moindre cohérence entre les dispositions qu'elle contient, sorties pour la plupart des tiroirs de quelques chefs de bureau de Bercy.

Certaines sont louables et nous ne nous opposons pas au recours accru à la visioconférence dans les assemblées générales des entreprises lorsque c'est nécessaire, ni à la dématérialisation de certains titres tels que les lettres de change, ni à la compétence attribuée à la cour d'appel de Paris pour connaître des recours en matière d'arbitrage international, ni à la redéfinition des preneurs de risque qui élargit les garanties contre les prises de risque excessives. Nous avons soutenu les articles correspondants en première lecture, qui semblent aller dans le bon sens.

En revanche, les trois principales dispositions du texte paraissent dangereuses pour la stabilité du pays, sans qu'elles n'apportent aucune facilité de financement à l'économie française. L'article 1er contient la disposition phare de la proposition de loi : l'introduction en France des actions à droits de vote multiples. Certes, les socialistes avaient introduit, par la loi Florange de 2014, les droits de vote double afin de favoriser les actionnaires de long terme et de permettre à un nombre suffisant d'entre eux de conserver le contrôle des entreprises. L'État fait d'ailleurs lui-même usage des droits de vote double dans les entreprises dont il est actionnaire, afin de favoriser l'intérêt général. Cependant, il n'est pas raisonnable de multiplier par vingt-cinq les droits de vote acquis par certains actionnaires. Cette prise de pouvoir d'une entreprise cotée par des actionnaires minoritaires est contraire à l'esprit de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au droit de propriété qu'elle garantit. Il n'est pas acceptable que la possession de 5 % du capital d'une entreprise offre un contrôle total sur cette dernière. Cela fragilise la stabilité financière, le droit de propriété et la démocratie actionnariale que nous défendons.

Les défenseurs de cette disposition prétendent qu'elle permettra à davantage de start-up – ou entreprises à forte croissance – françaises de demeurer en France et de ne pas rechercher une cotation sur des marchés financiers étrangers, en particulier le Nasdaq. Or on constate que les entreprises françaises ayant décidé de se faire coter aux États-Unis n'ont pas fait usage de droits de vote doubles. Si elles se sont expatriées, c'est parce que la profondeur des marchés étrangers était supérieure, offrant un accès plus facile aux financements, donc une meilleure valorisation. C'est sur ce point qu'il convient de travailler, plutôt que d'instaurer un assouplissement qui ne servira pas les entrepreneurs de notre pays mais les flibustiers bien connus, qui font leur fortune par des manipulations financières – le passé en offre plus d'un exemple – plutôt que par la qualité de leurs résultats opérationnels.

La généralisation du statut de société en commandite ne constitue pas une bonne solution. Nous sommes également défavorables à l'élévation du plafond de capitalisation boursière – de 150 à 500 millions d'euros – des sociétés dont les titres sont éligibles aux fonds communs de placement à risques. Le résultat obtenu sera contraire à l'objectif visé, puisque vous réduirez, pour les entreprises de petite taille, l'accès au financement permis par ces fonds spéciaux. Nous sommes également opposés à ce que les augmentations de capital auprès d'un cercle restreint d'investisseurs, désignés par les dirigeants de l'entreprise, puissent désormais représenter chaque année jusqu'à 30 % du capital social, contre 20 % actuellement.

Enfin, le groupe Socialistes regrette que les propositions qu'il avait formulées n'aient pas été reprises, alors que la ministre Olivia Grégoire s'y était engagée. Dominique Potier avait notamment demandé qu'un groupe de travail soit réuni ; il ne l'a jamais été et l'engagement n'a pas été tenu. Le groupe Socialistes et apparentés votera donc contre cette proposition de loi.

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