Nous vous avions confié un système de protection sociale excédentaire, vous l'avez rendu gravement et structurellement déficitaire. Dans son rapport sur les résultats de 2023 et les prévisions pour 2024, publié il y a quelques jours, la commission des comptes de la sécurité sociale estime ainsi que le déficit des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) atteindra 16,6 milliards, quand la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ne l'évalue qu'à 10,5 milliards. Les chiffres et les analyses que chacun peut consulter sont accablants pour vous. Tout vous fait reproche. Si encore ces déficits avaient été mis au service du pouvoir d'achat des Françaises et des Français, du réarmement industriel, de la modernisation des services publics ou encore de l'accélération de la transition écologique, nous pourrions nous y ranger, mais il n'en est rien.
Votre cure d'austérité sans précédent sera un remède pire que le mal : moins de pouvoir d'achat, moins de droits sociaux, moins de croissance, moins d'investissement, mais plus de CO
Il est cruel d'être gouverné par des idéologues sans imagination, par des fétichistes du tri et de la statistique. Les Français n'en peuvent plus des pères-la-morale et des mères-la-rigueur qui décident sans cesse pour eux sans les connaître, sans même chercher à les connaître ou à les comprendre. Votre réforme de l'assurance chômage n'est pas seulement la trahison du paritarisme, le rétrécissement des droits comme s'ils n'étaient qu'une libéralité et une réforme financière portant le masque de la réforme sociale ; c'est la banalisation et l'institutionnalisation de ce que Cynthia Fleury pourrait appeler « l'indignité ordinaire », c'est une fabrique à travailleurs pauvres, une machine à exclure les jeunes, les précaires, les femmes et les vieux. Ce n'est pas une réforme, mais une punition collective, un impôt sur la vie de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre. Le chômage baisse, dites-vous – cela reste à prouver pour ce qui est des mois récents –, mais la colère monte, poussée par le mal qui ronge le pays : l'injustice. Votre politique consiste à prendre aux pauvres pour ne jamais avoir à prendre aux riches. Vous n'êtes pas le Premier ministre des classes moyennes ; vous êtes décidément le Premier ministre des classes affaires.
Nous pourrions vous censurer pour l'ensemble de votre œuvre – ce serait sans doute bien peu –, mais c'est parce que vous avez imposé à coups de menton une saignée budgétaire au pays, préférant les combines de soupentistes de Bercy au débat démocratique dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, que nous joindrons nos voix à la motion de censure déposée par 106 de nos collègues.
Il y avait pourtant matière à tenir le débat que l'époque appelle, à tracer le chemin d'une autre politique fondée sur la justice et sur la préparation de l'avenir, capable aussi de garantir la solvabilité des comptes publics. Eh bien, puisque vous n'en voulez pas, nous livrerons aux Français un plan de rebond écologique, économique et social, ce quatre-quarts désormais fameux…