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Intervention de Jean-Paul Mattei

Séance en hémicycle du lundi 3 juin 2024 à 13h30
Motions de censure — Discussion commune et votes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei :

Il faudra me les expliquer. Il y a tellement d'incohérences qu'on a du mal à vous suivre ! La motion de censure est un outil essentiel pour le bon fonctionnement de notre démocratie. L'utiliser constamment à de telles fins politiques – je dirais même de petite politique –, c'est affaiblir son message et donc son rôle dans nos institutions.

Sur le fond, la situation économique actuelle doit nous appeler à la plus grande prudence. L'année 2023 a été marquée par un environnement économique mondial peu porteur pour la croissance, entre tensions géopolitiques, ralentissement économique en Chine et politiques de lutte contre l'inflation. Notre économie a bien résisté avec une croissance solide, quand beaucoup de nos partenaires européens ont basculé dans la stagnation, voire la récession. Toutefois, ce contexte économique atone a entraîné une nette dégradation des recettes fiscales par rapport aux prévisions, entraînant les effets connus sur le déficit public. Une telle dégradation du contexte économique mondial nécessitait de revoir à la baisse notre prévision de croissance pour 2024. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls en Europe à avoir réalisé cette révision. Notre principal partenaire, l'Allemagne, l'a fait dans des proportions bien plus grandes, en abaissant sa prévision de croissance de 1,3 % à 0,2 % quelques jours avant nous.

La baisse de la croissance générant un classique effet de ciseau, un gouvernement responsable se devait de réduire la voilure de la dépense publique, comme le permet la Lolf, pour ne pas risquer d'accentuer le déséquilibre de nos finances publiques. À la mi-2024 et malgré certaines perspectives positives, plusieurs incertitudes héritées de l'année passée demeurent. D'une part, les tensions géopolitiques continuent de façonner notre environnement économique : à la poursuite de la guerre en Ukraine et aux conflits au Proche-Orient et dans le golfe d'Aden, s'ajoutent nombre de scrutins électoraux cruciaux dont l'élection du futur président des États-Unis en novembre prochain. D'autre part, malgré un net recul de l'inflation, les politiques monétaires continuent de peser sur l'activité. Le consensus économique s'accorde sur une baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) dans les prochaines semaines. Cependant personne n'est en mesure de dire aujourd'hui à quelle hauteur cet assouplissement favorisera la vigueur de la reprise économique. Doit-on s'attendre à un regain rapide de l'activité économique ? Nous n'aurons de réponse à cette question, cruciale pour nos finances publiques, qu'à l'automne prochain.

Ce climat économique incertain doit nous pousser à prendre du temps pour comprendre précisément ce qui s'est passé en 2023, avant d'agir en conséquence sur l'exercice 2024. La commission des finances s'y emploie actuellement, avec le Printemps de l'évaluation. Les deux assemblées ont également engagé des travaux pour déterminer les raisons pour lesquelles de tels écarts entre la prévision et l'exécution ont été constatés et pour analyser les dynamiques de la hausse de notre stock de dette. Laissons donc le temps aux députés et sénateurs chargés de ces travaux de présenter leurs conclusions, qui pourraient nous être utiles pour améliorer les dispositifs existants. J'espère que nous disposerons d'éléments de réponse précis sur la chute des recettes de la contribution sur la rente inframarginale des producteurs d'électricité qui a fortement contribué à aggraver le déficit en 2023.

Au-delà des incertitudes qui font partie intégrante de l'équation budgétaire, la décision de l'agence de notation Standard & Poor's d'abaisser la note souveraine de la France renforce chez nous une certitude : le temps est venu de rétablir nos finances publiques. Depuis quatre ans, cette majorité a pris des mesures exceptionnelles pour protéger les Français et les entreprises dans les différentes crises et nous l'assumons pleinement. Mais il est temps désormais de faire preuve de responsabilité budgétaire : nous n'en avons pas le choix si nous voulons préserver la souveraineté de notre pays et continuer à investir pour l'avenir. Continuer sur la voie de l'endettement massif, c'est se rendre vulnérable aux prochains chocs économiques à prévoir dans un monde toujours plus instable et fragmenté.

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