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Intervention de Anne Bergantz

Réunion du lundi 27 mai 2024 à 17h00
Commission d'enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l'accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Bergantz :

À mon tour, je salue ce rapport de grande qualité, documenté et pédagogique. D'emblée, je tiens à préciser que les professionnels ont toute notre confiance – comme celle des parents – pour le travail remarquable qu'ils effectuent auprès des tout-petits. Je remercie la rapporteure d'avoir précisé que les dysfonctionnements n'étaient pas liés au statut des crèches, mais qu'ils étaient présents dans les secteurs public, privé et associatif.

La première partie du rapport illustre avec justesse la particularité et la complexité du système français, qui ont des causes variées : une vision encore très hygiéniste et trop normée du secteur des crèches, une pénurie de professionnels, dont les conditions d'exercice se sont fortement dégradées, une grande disparité dans les fréquences des contrôles des structures, et parfois une insuffisance de ceux-ci, ainsi qu'un manque de vision à long terme des politiques publiques familiales. Il faudra s'en souvenir dans le cadre de l'application des recommandations du rapport.

Les politiques menées par le passé n'étaient, dans l'ensemble, pas mauvaises, mais elles péchaient par une réflexion insuffisante et une absence de suivi à long terme. Elles visaient un certain nombre d'objectifs, notamment un meilleur taux d'occupation – dont dépend le montant de la PSU –, mais les actions menées n'ont pas toujours permis de les atteindre. La PSU visait dès l'origine plusieurs objectifs : le renforcement de la mixité sociale, l'accroissement du taux de remplissage et la neutralisation des participations familiales. La France a été le seul pays à faire le choix d'un tiers financeur, lequel a eu des conséquences délétères. La découverte des méthodes de calcul m'a stupéfiée : comment en est-on arrivé à une telle complexité et à un mode de financement qui peut amener le directeur à supplier les parents de ne pas récupérer leurs enfants plus tôt ? Il est à mon sens prioritaire de simplifier ce modèle.

En outre, si l'ouverture au privé peut contribuer à pallier la pénurie de places, elle n'a pas été assez encadrée. La loi sur le plein emploi, qui confie à la commune le rôle d'autorité organisatrice, devrait enfin permettre un pilotage de cette activité à l'échelon local.

Si je partage bon nombre des recommandations du rapport, je serai toutefois prudente à l'égard de certaines d'entre elles. S'agissant, d'abord, de la suppression progressive du Cifam, je ne conteste pas la nécessité de faire évoluer le système de financement mais c'est plutôt le tiers financeur qui nous conduit à nous interroger sur le respect de l'égalité d'accès. Il faut évaluer précisément les conséquences d'une telle mesure : quid de la création de places et du maintien des places actuelles ?

Ensuite, plusieurs établissements m'ont mise en garde sur les conséquences financières que pourrait induire le passage au tout-PSU dans les micro-crèches. La recommandation n° 49 pourrait toutefois, me semble-t-il, répondre à leurs préoccupations de trésorerie. Cela étant, il faut éviter de mettre toutes les micro-crèches relevant de la Paje (prestation d'accueil du jeune enfant) dans le même panier. Certaines sont en effet vertueuses. Dans les Yvelines, des micro-crèches réservent des places aux enfants dont la mère est victime de violences : ce sont les seuls établissements à le proposer.

Bien que la question soit évoquée dans la première partie, je regrette qu'il n'y ait pas davantage de recommandations tendant à simplifier le cadre normatif. L'ensemble des acteurs interrogés ont signalé le poids considérable que celui-ci représente, en particulier pour les directions. Dans les modèles étrangers, le cadre est beaucoup plus souple, ce qui n'empêche pas le respect de l'intérêt supérieur des enfants.

Sortir de la vision hygiéniste, assouplir les normes sans abaisser les critères et consolider la confiance entre professionnels et parents me semble indispensable à l'avenir.

Ces remarques n'enlèvent rien aux qualités du rapport, qui constituera une base solide pour définir les futures politiques au service de nos enfants et des professionnels.

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