Je vous remercie pour ce rapport très dense, qui provoque toutefois une légère frustration : la commission d'enquête aurait finalement pu élargir son périmètre aux assistantes maternelles et à la politique familiale, et approfondir l'articulation entre le mode d'accueil collectif et les besoins des parents et des enfants au fil des âges.
Je partage votre diagnostic : le modèle économique des crèches ne favorise pas suffisamment la qualité de l'accueil des jeunes enfants – en la matière, le strict respect de la réglementation ne suffit pas –, et nous souffrons d'une pénurie de places comme de professionnels. Si la détérioration de l'accueil a d'abord été mise en lumière dans les établissements privés, nos travaux ont révélé qu'elle touchait l'ensemble des secteurs – public, privé lucratif et privé non lucratif. Le phénomène risque de s'aggraver dans les années à venir, à mesure que les assistantes maternelles partiront à la retraite, sans être toutes remplacées. Il est donc urgent de se saisir de cette question.
La principale difficulté tient au fait que le modèle des crèches est structurellement déficitaire et dépend de tiers financeurs. Il ne garantit pas la pérennité économique des structures, alors que les coûts de fonctionnement de ces dernières s'alourdissent, et que le financement de la branche famille n'a pas suivi l'inflation. Dans ce contexte, comment attirer des professionnels ? Comment prendre soin de ceux-ci et les former, afin qu'à leur tour, ils prennent soin des enfants ?
Nous constatons un défaut de pilotage ainsi qu'une incapacité à évaluer les besoins en places de crèche et en formation selon les territoires. À cela s'ajoute l'insuffisance – voire l'absence – de contrôle de la qualité de l'accueil des enfants. Je suis frappé que les antécédents professionnels et judiciaires du personnel ne soient pas contrôlés, tout comme je regrette que la carte professionnelle, tant attendue, n'ait pas été instaurée. Les professionnels des PMI sont très investis, mais, faute de moyens, ils ne peuvent appliquer toutes les mesures qui seraient souhaitables pour les enfants et pour ceux qui s'en occupent.
Je partage vos constats en ce qui concerne la formation du personnel et les contrôles effectués dans les crèches. Il me paraît nécessaire d'instaurer à brève échéance un contrôle régulier et effectif de l'ensemble des établissements d'accueil de jeunes enfants ; les PMI devraient se recentrer sur ce rôle.
Certaines de vos recommandations méritent d'être approfondies et débattues. J'ai été séduit par celle qui consiste à allonger le congé de maternité de deux semaines, bien que cela dépasse le périmètre de la commission d'enquête. Vous suggérez aussi de transformer le congé parental en congé de naissance rémunéré. Ces mesures, qui devront être articulées avec l'offre d'accueil, mériteront un débat avec la représentation nationale.
Voilà pour nos points de convergence. En revanche, je suis en désaccord avec votre proposition de mettre fin à la réservation de berceaux par les entreprises, de supprimer le Cifam et d'imposer aux entreprises une taxe « petite enfance », affectée aux communes et aux intercommunalités. Je reconnais que la réservation de berceaux pose problème, que le Cifam peut être questionné, et que nous devons nous donner les moyens de la politique que nous souhaitons appliquer. Toutefois, je ne suis pas certain que vos préconisations soient suffisamment ajustées. En effet, nous observons que les bassins d'emploi ne correspondent pas nécessairement aux bassins de vie des enfants, et que la demande des familles a évolué : elles aspirent à une offre de garde proche de leur domicile plutôt que de leur lieu de travail. Or le service public de la petite enfance est organisé suivant le périmètre des intercommunalités, et ces dernières sont disparates : certaines sont essentiellement résidentielles et abritent peu d'entreprises, quand d'autres comptent de nombreuses administrations et sociétés, mais peu de logements adaptés aux familles – Paris en est un exemple flagrant. Les lieux de travail et de résidence ne se superposent donc pas nécessairement.
Le Cifam représente 195 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 97,5 millions de déduction fiscale de l'impôt sur les sociétés ; le coût total du dispositif pour les finances publiques est donc de 292,5 millions, sachant que l'accueil des jeunes enfants représente 16 milliards d'euros de dépenses publiques. Supprimer le Cifam reviendrait donc à entraver le financement de mesures d'amélioration de la qualité.
La branche famille est excédentaire, et le sera d'autant plus, à l'avenir, que les naissances reculent. C'est le premier levier dont nous devons nous emparer – davantage que d'une taxe affectée – pour renforcer la qualité de la prise en charge et augmenter le nombre de places en crèche. Reste que nous n'agirons pas sur la quantité sans avoir préalablement amélioré la qualité. Nous devons recréer un modèle de qualité qui offre aux professionnels une rémunération suffisante, de la considération et du sens, de la formation initiale et continue.
Les informations que nous avons reçues, certes tardivement, de la part des administrations nous ont appris que ces dernières, avec les collectivités locales, étaient responsables de la moitié des réservations de berceaux. Or les ministères ne pilotent guère leurs achats de berceaux : j'y vois un véritable défi, et un champ à investiguer. Quels sont les critères de la commande publique et de la réservation de berceaux par les administrations et les collectivités locales ? Si la réservation était supprimée pour les entreprises mais maintenue pour le secteur public, le dispositif n'offrirait-il pas un coupe-file à ce dernier ?
Il faut en fait transformer la réservation de berceaux, en appelant à la participation et à la responsabilité sociale des employeurs, publics comme privés, pour répondre aux besoins de leurs agents et de leurs salariés ayant des enfants en bas âge.
Le politique n'a pas pris la main sur le pilotage des réservations de berceaux par le secteur public. Or l'État doit exercer sa responsabilité en la matière. Il faut identifier les besoins et aménager l'offre en conséquence. Un pilotage interministériel est nécessaire à un haut niveau, qui relève à la fois de la politique familiale, de l'éducation et de la politique sociale.
La commission a réussi à collecter des données dont l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) nous assuraient qu'elles seraient difficiles à obtenir. Nous avons par ailleurs recueilli les réponses de soixante-dix PMI. Il me semble donc utile de publier le rapport, même si je n'en partage pas toutes les recommandations.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.