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Intervention de Christine Arrighi

Réunion du mardi 7 mai 2024 à 10h00
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Arrighi, rapporteure de la commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute A69 :

Je remercie à mon tour MM. Durand, Villebois et Abdoulhoussen de leur présence parmi nous.

Votre audition complétera utilement celles des fonctionnaires placés sous votre autorité, à savoir M. Patrick Berg, directeur de la Dreal d'Occitanie et M. Maxime Cuénot, directeur départemental du territoire du Tarn, et nous permettra d'adapter nos questionnements à l'État, autorité concédante, laquelle sera auditionnée à plusieurs reprises sur les volets environnemental, économique, social et financier de la convention de concession.

À ce stade, la commission d'enquête n'a relevé aucun manquement notable au principe de légalité, ce qui n'a rien d'étonnant, l'État de droit étant – et fort heureusement – encore une réalité dans notre pays, mais des actes peuvent être formellement réguliers et pourtant avoir été pris sur des hypothèses fragiles.

Notre débat autour de l'A69 porte sur de nombreux points : délimitation des zones humides ; études prévisionnelles de trafic, jugées trop optimistes par nombre d'observateurs et autres organismes officiels tels que l'Autorité de régulation des transports (ART) ; hypothèse de la valorisation sociale et économique, notamment la question de la valeur actualisée nette socio-économique remise en cause par le Commissariat général aux investissements (CGI) ; notion d'enclavement, à laquelle il a été fait recours à maintes reprises et par vous-mêmes dans l'arrêté interdépartemental du 1er mars 2023 ; et enfin estimation des différents gains attendus, notamment de temps, basés sur des études discordantes, voire contradictoires.

En somme, nombre d'éléments nous interrogent quant au contenu de la déclaration d'utilité publique (DUP) et sur cette raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) que la seule reconnaissance du caractère d'utilité publique ne suffit pas à justifier au sens de l'article L.411.2 du code de l'environnement. En effet, la dérogation à la stricte protection des espèces ne peut être accordée qu'à la condition que le projet réponde à une RIIPM, y compris de nature sociale ou économique au terme de l'article précité.

L'ensemble de ces autorisations a été accordé dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) adoptée à une période où la loi dite climat et résilience et la loi d'orientation sur les mobilités avaient posé plusieurs principes d'action publique, notamment la question de la limitation de l'artificialisation des sols et de la décarbonation des transports. Il en résulte que vos arrêtés se sont fondés sur des hypothèses probablement obsolètes.

S'ajoute à ce dossier une série de mensonges ou de simplifications de communication, pour reprendre les mots de M. Martial Gerlinger, illustrés par le slogan d'Atosca de « cinq arbres plantés pour un arbre coupé » et les atermoiements de la préfecture du Tarn lorsque des coupes menaçaient les arbres du bois de la Crémade.

Enfin, preuve que cette autoroute a été décidée en dépit de la réflexion minimale qui s'imposait, l'idée d'un projet de territoire n'a émergé que très tardivement. D'éminents géographes, économistes et urbanistes nous ont effectivement rappelé l'importance d'élaborer une stratégie de territoire préalable aux équipements qui le desservent.

Nous reviendrons par ailleurs sur la question de l'apport financier par cinq collectivités locales et sur les différences qui nous interrogent entre les montants précédemment annoncés et ceux finalement inscrits dans la convention de concession.

Le questionnaire que je vous ai adressé a été communiqué à l'ensemble de mes collègues, répondant à mon souci d'une parfaite transparence sur le sens que j'ai souhaité donner aux auditions de la commission d'enquête. Je vous invite à y apporter vos réponses au fur et à mesure de l'audition de ce jour et ultérieurement par écrit, si le temps nous manquait pour développer tous les sujets, comme d'ajouter éventuellement tout élément qui vous semblerait utile à porter à la connaissance de notre commission.

Dans un premier temps, je vous demanderai de développer tout particulièrement la question de la RIIPM. J'ai demandé au ministère chargé des transports, à deux reprises, sur quelles études s'était fondée la décision de M. Dominique Perben sur le recours à une concession. Toutefois, celles-ci n'ont pas été retrouvées à ce jour, ce qui pourrait laisser entendre que le choix d'une concession ne s'est basé en fait sur aucune étude. Votre arrêté interdépartemental fait pourtant bien mention d'études. Je souhaiterais donc qu'elles me soient communiquées par le Gouvernement, notamment celle portant sur le réseau ferroviaire et celle portant sur la réhabilitation de la RN126. Je rappelle qu'aux termes de l'article L.411-2 du code de l'environnement, toute dérogation concernant les espèces protégées ne peut être accordée qu'à la condition de prouver qu'il n'existait pas d'autres solutions alternatives.

Enfin, nous reviendrons très précisément sur le calcul de la valeur actualisée nette socio-économique, laquelle est passée de 508 millions d'euros à 98 millions d'euros, dans la contre-expertise du CGI, pour finalement bondir à 788 millions d'euros, dans un document communiqué par Atosca. Vous avez entrepris d'entériner cette dernière valeur sans avoir procédé à une contre-expertise, alors même les éléments financiers avaient été modifiés et que la valeur actualisée nette socio-économique est désormais calculée sur 115 ans. Je rappelle ici que, dans son avis de 2017, signé par M. Louis Schweitzer, le CGI indiquait que cette valeur actualisée nette socio-économique comportait des éléments de fragilité.

Ainsi reviendrons-nous sur l'ensemble de ces éléments au cours de cette audition qui s'annonce riche d'enseignements.

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