Je partage pleinement vos constats : les travaux parlementaires ne laissent actuellement que peu de place au réflexe outre-mer et à la différenciation territoriale. Nous sommes capables de faire du prêt-à-porter, mais pas du sur-mesure – et bien souvent, nous ne faisons pas de la haute couture, mais plutôt du tout-venant. La cote est parfois mal taillée – c'est le moins qu'on puisse dire. Permettez-moi ici de souligner un paradoxe. Nombre des textes que la commission des lois a examinés depuis le début de l'année sont relatifs aux collectivités territoriales et aux outre-mer : la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux, celle revalorisant le métier de secrétaire de mairie, celle encadrant le cumul des mandats, le projet de loi relatif à la Polynésie française et, dernièrement, le projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Les membres de la commission des lois n'ont pas chômé. Je l'ai pourtant constaté à plusieurs reprises : même lorsque nous consacrons des heures de débat aux collectivités et à la pluralité des territoires, l'élaboration même de la loi nous conduit presque toujours à rédiger des normes uniformes. Rares sont les textes qui prévoient des marges de manœuvre au niveau local – c'est pourtant une disposition constitutionnelle. Les projets de loi se terminent souvent par un titre « Dispositions diverses », qui prévoit une transposition uniforme des mesures dans les outre-mer. Le problème est qu'avec cette méthode, le caractère inadapté de certains textes ne se révèle souvent qu'a posteriori.
Preuve que nous sommes tous conscients de ces difficultés, l'Assemblée s'est dotée en 2012 d'une délégation aux outre-mer puis, en 2017 seulement, d'une délégation dédiée aux collectivités. Outre ces premiers pas en direction des élus locaux, je salue les initiatives du président de la commission des lois, en particulier à l'égard de Mayotte et de la Corse.
Nous devons maintenant aller plus loin. Si les délégations parlementaires présentent un intérêt certain, leurs moyens sont limités et elles ont rarement le temps de se saisir pour avis de tous les textes. La création d'une commission unique aux collectivités territoriales et aux outre-mer permettrait de consacrer plus de moyens à la poursuite d'une réelle différenciation territoriale. Cette nouvelle commission, douée d'une vision d'ensemble, contribuerait à renforcer la culture de la décentralisation et de la différenciation dans les travaux parlementaires. Les prochains textes qui, je l'espère, seront examinés dans notre assemblée – notamment la réforme constitutionnelle relative à l'avenir institutionnel de la Corse et les projets de loi relatifs à Mayotte – témoignent que le besoin d'adaptation et de différenciation est plus que jamais d'actualité : il ne peut plus être ignoré.
Bien entendu, la création de cette commission permanente ne constituerait qu'un premier pas vers un choc de décentralisation, lequel nécessitera une réforme constitutionnelle plus vaste pour donner plus de marges d'adaptation aux élus locaux et prévoir plus de sur-mesure pour les outre-mer, ainsi que pour les régions hexagonales qui le demandent – la Corse, mais aussi la Bretagne. Sans surprise, notre groupe votera donc pour ce texte.