Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi constitutionnelle qui permet d'ouvrir une discussion importante, voire essentielle : celle de la place de nos collectivités, en particulier les territoires d'outre-mer, dans la construction des politiques publiques.
J'ai siégé sur ces bancs en tant que députée pendant plusieurs années et j'y siégeais encore il y a quelques semaines. Je sais donc la qualité des travaux qui y sont conduits, et surtout l'intérêt que porte la représentation nationale à ces sujets. J'ai désormais l'honneur d'occuper les fonctions de ministre chargée des outre-mer et je continue, dans ce cadre, à travailler étroitement avec le Parlement. J'étais hier soir encore dans l'enceinte de ce Palais, auditionnée par les membres de la commission des finances, dans le cadre du Printemps de l'évaluation, au sujet de la lutte contre les sargasses et le chlordécone.
Cela fait donc deux raisons, au moins, pour lesquelles je suis particulièrement sensible aux enjeux de votre proposition de loi constitutionnelle, surtout s'agissant de la prise en compte de la spécificité des territoires ultramarins dans l'élaboration des normes qui ont vocation à s'appliquer sur l'ensemble du territoire national.
Comme vous, monsieur le rapporteur, et nombre des parlementaires ici présents, j'ai la conviction que le réflexe outre-mer est une impérieuse nécessité non seulement pour la construction de la loi, mais aussi pour son application effective et son évaluation. En tant que responsables politiques, nous devons veiller à toujours tenir compte de la grande diversité des outre-mer, de leurs populations et de leurs difficultés, qui diffèrent d'un océan à un autre. Nous savons tous que cela ne va pas de soi.
Je sais aussi que le Parlement, que ce soit dans cette assemblée ou au Sénat, est sensible à ces sujets. La délégation aux outre-mer que vous présidez, monsieur le rapporteur, en est une preuve. Est-elle suffisante ? Existe-t-il d'autres axes d'amélioration pour intégrer davantage, très tôt dans la construction de la loi, les préoccupations de nos concitoyens ultramarins ? Je sais que vos débats en commission ont très largement abordé ces questions.
Cependant, votre proposition de loi constitutionnelle va plus loin et suggère que le bon cadre pour atteindre ces objectifs, que nous partageons, passe nécessairement par la suppression des deux délégations – celle aux collectivités territoriales et à la décentralisation et celle aux outre-mer – et par la création, grâce à une révision de la Constitution, d'une commission permanente au sein de l'Assemblée nationale.
Il est permis de penser, en premier lieu, que la création d'une telle commission permanente aurait un effet contre-productif. Nous souhaitons tous intégrer les spécificités des outre-mer dans la conduite de nos politiques, et non les isoler ni les traiter à part.
Le Gouvernement peut actuellement compter sur des commissions permanentes qui couvrent très largement les champs d'intervention du législateur. Cette approche transversale ne semble pas être un obstacle à la prise en compte des spécificités liées aux collectivités territoriales et aux territoires d'outre-mer. Au contraire, j'ai pu observer, en tant que députée puis en tant que ministre, que les élus de ces territoires apportent un éclairage précieux aux travaux en commission, en plus de permettre à leurs collègues élus de l'Hexagone de mieux appréhender ces sujets. C'est ce qui fait la richesse des débats.
Je sais également que la question de la composition d'une telle commission permanente a été soulevée lors des travaux de la commission, notamment par Hervé Saulignac et Philippe Gosselin, à travers différents aspects.
D'abord, cette commission ne permettrait pas à tous les députés ultramarins, qui sont aujourd'hui membres de droit de la délégation aux outre-mer, de siéger en son sein, puisqu'elle serait nécessairement composée à la proportionnelle des groupes – ce qui lui ferait sans doute perdre un peu de son intérêt.