J'avais 32 ans lorsqu'on m'a diagnostiqué un cancer du sein. Opération, chimio, radiothérapie – un an de traitement et plusieurs années de convalescence plus tard, je peux dire que j'ai survécu à la maladie et au traitement. Ce fut un calvaire que je ne souhaite pas à mon pire ennemi. Je vous parle donc en tant que survivante, soignée par la formidable médecine de notre pays et l'amour de mes proches, prise en charge par la solidarité nationale dans le cadre de la sécurité sociale.
Je soutiens ce progrès essentiel en vue d'alléger le fardeau financier et psychologique de celles qui se battent contre ce cancer. Celui-ci étant classé comme ALD, les traitements coûteux et prolongés qu'il entraîne sont souvent couverts à 100 % par la sécurité sociale : c'est une chance précieuse. Nous devons néanmoins admettre que de nombreux frais demeurent à la charge des patientes, créant des ruptures d'égalité face à la maladie : les franchises médicales, les participations forfaitaires, les dépassements d'honoraires et certains frais de transport. Tout le monde ne peut les assumer ; des familles se cotisent, des patientes s'endettent.
Le groupe LIOT soutient donc cette proposition de loi. Il serait également crucial de réformer plus largement le dispositif des ALD et de renforcer le suivi post-traitement. Les soins de support – APA, soutien psychologique, diététique, esthétique –, essentiels pour aider les patientes, comme leur nom l'indique, à mieux supporter le traitement, demeurent trop peu reconnus et pris en charge. Le forfait global post-cancer, plafonné à 180 euros, reste largement insuffisant.
Les patientes les plus modestes subissent non seulement la maladie, mais aussi l'angoisse financière. Certaines en viennent à renoncer à des soins ; d'ailleurs, beaucoup imaginent à tort que la pose de prothèses mammaires est un luxe pour les survivantes du cancer. Cette reconstruction constitue une épreuve supplémentaire : elle exige d'une part le courage de subir, après des mois de traitement, une énième intervention chirurgicale, d'autre part un sacrifice financier important, les dépassements d'honoraires du spécialiste pouvant s'élever jusqu'à 10 000 euros. Pour certaines, ce choix n'est pas une coquetterie, mais répond à un besoin vital : c'est le moyen de ne plus porter dans leur chair les stigmates de la maladie, de restaurer l'image qu'elles ont d'elles-mêmes, de leur féminité, de leur corps, l'espoir de renouer avec la sensualité et la sexualité, essentielles à la vie.
Après des mois, voire des années, dans les couloirs des hôpitaux, des mois de douleur physique, de détresse, d'angoisse, de lutte contre la mort, la victoire vous laisse épuisée, différente, transformée ; vos proches sont marqués à jamais, eux aussi. Certains prétendent que le cancer vous apprend beaucoup sur vous-même et sur les autres, qu'il fait gagner en sagesse, reconsidérer la vie et ses priorités. C'est vrai, mais je m'en serais bien passée.
Il m'est impossible de ne pas évoquer la mauvaise santé de Mayotte. On y trouve trente-deux médecins de ville pour environ un demi-million d'habitants ; notre seul hôpital est une maternité géante, la plus grande d'Europe ; les urgences n'ont plus de chef de service et seuls quatre des quarante postes à temps plein sont occupés par des médecins titulaires ; l'épidémie de choléra progresse et tue, tandis que le ministère de la santé refuse la vaccination volontaire massive que nous appelons de nos vœux. Les querelles de chefferies au sein du centre hospitalier, les violences quotidiennes sur les routes, les agressions font fuir les médecins. Le manque de personnel soignant induit des maltraitances médicales, des décès. Les soignants sont désespérés, démoralisés, épuisés physiquement et psychologiquement – beaucoup, à bout, partent.
Notre maigre système de santé publique s'effondre sous nos yeux. La désertification médicale tue Mayotte : l'espérance de vie y est inférieure de huit ans à celle de l'Hexagone. S'il ne fait pas bon y être malade, avoir un cancer y est un parcours du combattant. Ni mammographie, ni radiothérapie, ni oncologue : les Mahorais prennent l'avion pour être soignés à La Réunion ou dans l'Hexagone. Au lieu de construire la santé localement, l'agence régionale de santé (ARS) a systématisé les évacuations sanitaires : les patients se retrouvent à 1 500 ou 10 000 kilomètres de leur foyer, subissant l'isolement et le choc culturel, alors qu'ils auraient plus que jamais besoin du soutien des leurs.
Monsieur le ministre, je dénonce votre inertie coupable face à la détresse, à la mauvaise santé, à la mort prématurée de certains Mahorais. Nous, vos compatriotes de Mayotte, méritons mieux. Nous avons droit à la santé et à la dignité. Nous attendons des mesures immédiates, radicales, à la hauteur de la crise sanitaire et de la crise de notre système de santé. Il y a urgence.