Notre groupe, à l'initiative de ce texte fort, pose la question très précise, légitime et importante, de la prise en charge intégrale des soins liés au cancer du sein par l'assurance maladie. Nous sommes régulièrement interpellés, et sans doute l'êtes-vous aussi, par des patientes à qui le reste à charge crée des difficultés. Rappelons que l'on dépiste 60 000 cancers du sein par an et que l'assurance maladie recense 700 000 femmes vivant avec la maladie ou en surveillance post-traitement. Il s'agit du cancer le plus meurtrier chez les femmes, puisqu'il tue chaque année plus de 12 000 d'entre elles.
La prise en charge spécifique des ALD, parmi lesquelles figure le cancer, ne lève pas tous les obstacles financiers du parcours de soins. Plusieurs études ont identifié les principales dépenses à l'origine d'un reste à charge – médicaments peu ou pas remboursés, dépassements d'honoraires, forfaits et franchises, frais de transport, soins de support, cette dernière appellation englobant des produits tels que gels, crèmes ou vernis à ongles, des activités physiques adaptées (APA), des séances d'ostéopathie ou de suivi psychologique. L'Institut national du cancer (Inca) a défini ces soins indispensables et en a établi la liste.
C'est là un angle mort de notre système de protection sociale. Selon la Ligue nationale contre le cancer, plus de la moitié des femmes de moins de 40 ans atteintes d'un cancer du sein craignent pour leur budget et doivent faire des choix. Ainsi, 15 % des patientes qui renoncent à une reconstruction mammaire le font pour des raisons financières. La prise en charge des prothèses capillaires repose en partie sur les complémentaires, d'où un impact financier non négligeable. De telles situations sont d'autant moins acceptables qu'une ALD est souvent synonyme de baisse des revenus. Peu de personnes atteintes d'un cancer parviennent à maintenir leur niveau de vie ; la maladie peut même les faire basculer dans la pauvreté. Toujours selon la Ligue nationale contre le cancer, une personne sur trois perd son emploi dans les deux ans qui suivent le diagnostic. Il nous revient d'intervenir : la maladie est en elle-même suffisamment éprouvante.
Afin d'améliorer et accélérer la prise en charge par la sécurité sociale des soins prescrits en raison d'un cancer du sein, nous demandons que les personnes atteintes soient dispensées du forfait journalier, ainsi que des franchises et participations forfaitaires, et que les organismes d'assurance maladie prennent en charge l'intégralité des soins et dispositifs prescrits, y compris ceux qui relèvent du support. La commission des affaires sociales a en revanche supprimé du texte la prise en charge des dépassements d'honoraires, alors que ceux-ci contraignent considérablement l'accès à des soins adaptés : ils peuvent atteindre jusqu'à 10 000 euros pour une reconstruction symétrique des deux seins. Ce sujet dépasse cependant la question du cancer du sein ; il concerne l'ensemble de notre système de santé dans ce qu'il a parfois d'inaccessible. Nous n'avons pas souhaité le réintroduire dans le texte, car la présidente de la commission s'est engagée à y consacrer une mission d'information, engagement concrétisé hier par décision du bureau de la commission.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu ce que vous avez dit ; il reste beaucoup à faire. Avec cette proposition de loi, nous avons mis un pied dans la porte, qu'il faudra finir d'ouvrir lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Ce texte ne réglera pas tout, mais il faut bien commencer quelque part.