L'été que nous venons de traverser, entre pénuries d'eau et incendies, a une nouvelle fois illustré l'urgence écologique à laquelle nous sommes confrontés et, vous le savez, mon département de la Gironde a été fortement touché par les incendies. Le changement climatique a désormais un impact très concret sur tous les pans de notre vie quotidienne, que plus personne ne peut nier.
L'urgence concerne aussi la préservation de la nature. En effet, en cinquante ans, la situation des espaces naturels, des océans et de la faune mondiale est devenue très alarmante, comme le montrent ces quelques chiffres : perte de 35 % des lacs, des rivières et des marais, disparition de 66 % des mammifères, perte de 80 % des poissons d'eau douce, un million d'espèces aujourd'hui menacées, ce qui est inédit dans notre histoire.
Le portefeuille qui m'a été confié a précisément pour vocation de faire de la préservation de la biodiversité une priorité, au même titre que le climat. L'extinction silencieuse qui se déroule sous nos yeux doit être combattue avec la plus grande force. Elle constitue, avec la lutte contre le changement climatique, une priorité absolue du mandat du Président de la République, qui a nommé une Première ministre en charge de la planification écologique. C'est inédit et historique, et ce pilotage depuis Matignon doit permettre d'impliquer davantage de ministères dans cette transition.
Par ailleurs, ce pilotage s'appuie sur des moyens nouveaux et importants. La Première ministre a annoncé la création d'un fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, ou « Fonds vert », qui doit être doté de 1,5 milliard d'euros dans un premier temps, puis de 2 milliards, dont 150 millions au moins seront consacrés à la biodiversité. Il s'agit bien de crédits nouveaux, orientés vers l'adaptation de nos territoires au changement climatique et la lutte contre l'érosion de la biodiversité.
Le budget que je viens vous présenter est à la hauteur de nos ambitions : en 2023, 3,6 milliards d'euros seront affectés à la préservation de la biodiversité et à la prévention des risques. Les crédits sont stables ou en augmentation, les opérateurs sont renforcés et la fin du plan de relance est en grande partie compensée par la mise en place du Fonds vert.
La troisième stratégie nationale pour la biodiversité, que nous finissons de développer, servira de cadre pour la mobilisation des énergies et la mise en cohérence des actions menées et des moyens mobilisés, au niveau tant national que local. Ainsi, 150 millions d'euros lui seront spécifiquement dédiés dans le cadre du Fonds vert.
Sur cette somme, 50 millions seront consacrés à la mise en œuvre de la stratégie nationale pour les aires protégées ; 25 millions à la protection des espèces – dont 15 millions financeront des mesures favorables aux insectes pollinisateurs, telles que la plantation de haies hors secteurs agricoles, et 10 millions seront mobilisés pour la conservation et la restauration d'espèces menacées, dans le cadre de plans nationaux d'action –, qui compléteront les 5 millions affectés à la biodiversité par le projet de loi de finances pour 2023.
Par ailleurs, 20 millions seront fléchés vers la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, ce qui représente une accélération importante par rapport aux 3 millions déployés l'année passée.
Nous mobiliserons 20 millions en faveur de la dépollution, y compris la lutte contre les plastiques. Dans ce cadre, il est prévu de financer des expérimentations visant à récupérer des macrodéchets et à retirer des épaves abandonnées dans les aires protégées.
Les 35 millions d'euros restants seront consacrés, d'une part, à la résorption des principaux obstacles aux continuités écologiques et, d'autre part, à la démultiplication des mouillages écologiques de moindre impact sur les fonds marins afin de protéger et de restaurer les herbiers.
La première priorité de mon secrétariat d'État est donc bien la protection des espaces naturels et des habitats. J'y travaille grâce à la stratégie nationale pour les aires protégées, inscrite dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Il s'agit de protéger 30 % du territoire, dont un tiers en protection forte. Les sites choisis se trouvent dans l'Hexagone comme en outre-mer, sur terre comme en mer.
Nous cherchons à assurer une répartition équilibrée entre ces espaces, tout en ayant comme priorité de protéger les plus exceptionnels. Si l'objectif de protection est atteint, du chemin reste à parcourir en matière de protection forte. De nouveaux projets sont en cours de développement, et nous n'écartons pas la possibilité de créer un douzième parc national dédié aux zones humides.
Je travaille aussi à la finalisation du transfert aux régions des sites Natura 2000, prévu par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). Le dialogue se poursuit avec Régions de France.
Nous défendons également cette ambition de protection à l'international. À cet égard, la COP15, qui se tiendra en décembre à Montréal, sera décisive. Elle doit en effet permettre d'acter la protection de 30 % des espaces de la planète d'ici à 2030. La France s'engage en ce sens, et la proposition de résolution que vous préparez est particulièrement importante, afin de montrer que la position ambitieuse de notre pays à l'international est soutenue par ses parlementaires.
La protection des espaces et des habitats doit permettre de mieux appréhender ce qui constitue la deuxième priorité, à savoir la protection du vivant. En effet, l'érosion de la biodiversité animale est tout aussi inquiétante que celle des espaces naturels. La protection des espèces menacées nécessite un travail de concertation important avec les autres ministères, notamment celui de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, avec lequel nous développons le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation.
Les plans nationaux d'action constituent ainsi un autre outil majeur, qui complète le régime de protection légal des espèces. Sept plans ont été lancés hier. Ils concernent aussi bien l'Hexagone que l'outre-mer.
La lutte contre la capture accidentelle de dauphins dans le golfe de Gascogne fait partie des priorités. La France doit défendre une position ambitieuse afin de garantir la préservation de cette espèce protégée. Des mesures techniques ont déjà été envisagées pour développer nos connaissances et prévenir les captures. Nous allons accompagner les pêcheurs dans l'expérimentation à grande échelle de ces mesures. L'équipement en caméras des bateaux sera notamment financé grâce à un fonds de 4 millions d'euros. Toutefois, les fermetures spatio-temporelles ne sont pas un tabou : nous envisagerons d'y recourir si elles s'avèrent la seule solution efficace. Cela supposera un accompagnement adapté des acteurs économiques.
L'eau représente notre troisième priorité. Cette année, la France a traversé une période de sécheresse intense et prolongée. En application du guide de mise en œuvre des mesures de restriction des usages de l'eau en période de sécheresse et des arrêtés définissant le cadre d'action, des restrictions ont été prises dans l'ensemble des départements métropolitains.
Pour répondre à ces tensions, nous avons lancé un grand chantier concernant l'eau à Marseille, le 29 septembre, avec M. Christophe Béchu et Mme Agnès Firmin-Le Bodo. Nous n'aurons pas d'autre choix que de concilier les temporalités : il faut à la fois répondre à l'urgence de la situation et être mieux outillés dès l'été prochain et se projeter dans le futur en s'appuyant sur les projections scientifiques pour planifier les usages de l'eau à l'horizon de 2050.
Principaux financeurs de la biodiversité en France, les agences de l'eau bénéficient, depuis la loi de finances pour 2021, d'un plafond annuel de recettes pour des redevances fixé à 2,2 milliards d'euros. Cette somme est maintenue en 2023, de même que le plafond d'emplois. Par ailleurs, en réponse à la sécheresse de cet été, les agences de l'eau ont déployé, grâce à un relèvement de leur plafond de dépenses, un plan de résilience doté de 100 millions. Ce plan a notamment permis de soutenir les collectivités territoriales et d'accompagner les filières agricoles.
Enfin, la protection et l'utilisation durable des forêts sont des enjeux que je partage avec M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. En effet, les forêts et les produits du bois sont au cœur des politiques de transition écologique. Elles représentent une solution au changement climatique en même temps qu'elles en souffrent. Nous devons les rendre plus résilientes, dès lors qu'elles concentrent 80 % de la biodiversité terrestre.
Dans le prolongement des assises de la forêt et du bois, le plan France 2030 doit prendre le relais du plan France relance dès 2023, et 200 millions d'euros seront consacrés à l'adaptation des forêts au changement climatique. S'agissant du renouvellement forestier, un financement pérenne de 100 à 150 millions d'euros par an est envisagé, qui doit mobiliser les outils de la finance carbone. De manière plus générale, la Première ministre a annoncé que la forêt serait l'un des premiers secteurs concernés par la planification écologique. Dans cette perspective, je souhaite que les acquis des assises servent de socle pour prolonger et amplifier les actions.
Les moyens du secrétariat d'État sont concentrés au sein du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », sur lequel vous aurez à vous prononcer dans le cadre de l'examen de la seconde partie du PLF. Ce programme est consacré pour l'essentiel à la protection et à la reconquête des espaces naturels, à la préservation des espèces et à la question de l'eau. Il connaît une nouvelle augmentation de 30,4 millions d'euros par rapport à 2022, pour atteindre 274 millions. Il s'agit de la troisième hausse consécutive, et la tendance devrait se poursuivre en 2024 et 2025.
Plusieurs augmentations prévues en 2023 démontrent à nouveau notre engagement en matière de préservation de la nature. Deux d'entre elles concernent des opérateurs auxquels je sais les députés très attachés, et à propos desquels j'ai été régulièrement sollicitée.
L'Office français de la biodiversité (OFB), sous la tutelle du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a pour objectif général la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité, ainsi que la gestion équilibrée et durable de l'eau. Cette structure joue un rôle essentiel dans notre politique de préservation de la nature. À ce titre, ses moyens doivent être à la hauteur de ses missions. Ainsi, en 2023, la subvention pour charges de service public de l'OFB connaîtra une hausse de 25 millions d'euros à format constant. Elle atteindra ainsi 78,8 millions d'euros et s'ajoutera à la contribution de près de 383 millions des agences de l'eau.
L'Office national des forêts (ONF), principalement sous la tutelle du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, bénéficiera d'une augmentation de 2,5 millions d'euros au sein du programme 113 pour l'exercice de ses missions d'intérêt général. La hausse tendancielle de sa dotation se poursuivra jusqu'en 2025 ; l'enveloppe pour les services d'intérêt général aura ainsi augmenté de 5 millions d'euros par rapport à 2022.
Le deuxième pan de mon action concerne l'économie circulaire, autrement dit la gestion des déchets. Nous devons accompagner la transition d'une société qui a trop produit, trop consommé et trop jeté, pour tendre vers une société de la réparation, du réemploi et du recyclage, afin d'économiser nos ressources et de décarboner notre consommation. L'économie circulaire est financée par les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) et par l'Agence de la transition écologique (Ademe), opérateur de l'État dans ce domaine.
L'Ademe bénéficiera de crédits du programme 181 « Prévention des risques » pour son fonds économie circulaire, revalorisé à 220 millions d'euros pour 2023.
Le Fonds vert pourra également accompagner les collectivités qui déploieront la collecte et la valorisation des biodéchets.
Le recyclage et la recherche de produits alternatifs au plastique à usage unique seront soutenus par le plan France 2030.
Ces moyens financiers répondent à un objectif clair : État, collectivités, producteurs et consommateurs doivent réduire les quantités de déchets mis en décharge et développer le recyclage – des plastiques en particulier –, ainsi que la valorisation des biodéchets. Pour atteindre cet objectif, une trajectoire de hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour l'enfouissement des déchets a été programmée entre 2018 et 2025. Cette hausse doit donner de la visibilité à l'enjeu et rendre le recyclage des déchets économiquement plus attractif que leur élimination.
Cette réforme s'inscrit dans un équilibre global, au sein duquel de nouvelles capacités financières ont été données aux collectivités afin qu'elles investissent et s'adaptent, grâce à plusieurs mécanismes de soutien : l'allègement à 5,5 % de la TVA sur les activités de tri et de recyclage des déchets ; la réduction des frais de gestion perçus par l'État sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative et la mise en place de nouvelles filières REP.
Par ailleurs, la politique de l'économie circulaire que nous menons réoriente la prise en charge des déchets, afin de responsabiliser les fabricants et les distributeurs de produits, dans une logique de pollueur-payeur. Le principe de REP constitue un axe structurant de notre politique dans ce domaine : les producteurs mettant certains produits sur le marché doivent financer et organiser la gestion des déchets issus de ces produits en fin de vie. Ils versent pour cela une contribution financière à un éco-organisme qui, en contrepartie, met en œuvre des actions de prévention et de gestion des déchets. D'ici à 2030, l'ensemble des filières REP représenteront 6 milliards d'euros, ce qui permettra de réduire les coûts de réparation des produits, d'augmenter leur durée de vie, de développer le réemploi et les produits reconditionnés, ainsi que de recycler les déchets.
Les filières REP permettent aussi aux collectivités de ne plus prendre en charge certains déchets ménagers et de bénéficier de compensations financières. Les douze filières REP historiques ont été renforcées par les onze nouvelles filières que la loi Agec a prévu de créer entre 2021 et 2025.
Celle concernant les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment a été créée en 2022. Le secteur produit 42 millions de tonnes de déchets chaque année, soit autant que tous les déchets produits par l'ensemble des ménages français. Nous venons à ce titre d'agréer quatre éco-organismes, pour une entrée en vigueur entre 2023 et 2027. Cette filière atteindra 2,5 milliards d'euros dans six ans, et son objectif sera de développer, dès 2023, le réemploi et le recyclage des déchets du bâtiment, mais aussi de mettre fin aux décharges sauvages, grâce à la reprise gratuite des déchets et à la création de nouvelles déchèteries accessibles aux artisans et aux très petites entreprises.
Une accélération est également nécessaire dans le secteur du textile, qui est l'un de ceux dont l'impact est le plus fort : 450 000 tonnes jetées dans les poubelles chaque année, soit l'équivalent de quarante-cinq tours Eiffel. Près de 250 000 tonnes de déchets sont collectées et triées chaque année, mais la grande majorité sont incinérées plutôt que valorisées. L'empreinte de notre consommation de textiles approche les 30 millions de tonnes équivalent carbone.
Pour répondre à ce défi, j'ai lancé début octobre une grande consultation ayant pour objectif de transformer en six ans la filière textile. Il s'agit de financer la réparation, le réemploi et le déploiement d'une filière industrielle de recyclage des textiles en France. Cette REP pourrait atteindre 600 millions d'euros sur la période pour favoriser la réparation, le réemploi et le recyclage, ainsi que 350 millions pour avantager par des bonus les produits écoconçus.
Par ailleurs, nous agissons sur les emballages ménagers, dont la filière REP représente 1 milliard d'euros, pour financer la collecte, le tri et le recyclage – notamment celui des plastiques. Parmi les nouveaux financements, on compte 62 millions d'euros consacrés aux nouvelles poubelles de rue et 100 millions dédiés à l'accompagnement des collectivités pour le nettoyage des espaces publics. En ce qui concerne le plastique, 4 millions de tonnes sont jetées chaque année, dans lesquelles on retrouve surtout des emballages. Or, le recyclage demeure insuffisant, puisque seulement 20 % des déchets sont recyclés. Ainsi, certaines solutions écartées jusqu'à présent semblent pouvoir être considérées – je pense en premier lieu à la consigne. Nous développerons dans les prochains mois une méthode de concertation avec les acteurs privés, les collectivités territoriales et les parlementaires.
Le plan national de résorption des décharges littorales présentant des risques de relargage des déchets en mer est en cours. Un fonds annuel de 30 millions d'euros a été mis en place dès 2022. Géré par l'Ademe, il sera renouvelé chaque année pendant dix ans, durée nécessaire à l'atteinte des objectifs. Il concernera les diagnostics, l'assistance financière et les travaux.
Nous soutenons par ailleurs avec l'Association nationale des élus du littoral (Anel) la charte « plages sans déchet plastique ». À ce jour, 75 communes y ont adhéré ; je souhaite que leur nombre s'élève à 500 en 2025.
Vous l'aurez compris, des budgets inédits sont dédiés à la transition écologique, en particulier à la préservation de la biodiversité et à la mise en place d'une économie circulaire performante. J'aurai besoin de votre soutien pour accompagner ces politiques volontaristes.