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Intervention de Hélène Laporte

Séance en hémicycle du mardi 28 mai 2024 à 15h00
Souveraineté alimentaire et renouvellement des générations en agriculture — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Laporte :

À défaut d'avoir débouché sur la grande loi de libération de la pratique agricole et de protection de nos filières, que nous appelions de nos vœux, ces deux semaines de débats auront permis de faire ressortir plus nettement que jamais les contradictions profondes du positionnement politique de la majorité.

Dans une vaine tentative de clore la séquence ouverte par les légitimes manifestations de cet hiver, le projet de loi débute par une solennelle déclaration des droits de l'agriculture et des agriculteurs, accompagnée d'une litanie d'objectifs louables tendant à la préservation de la souveraineté alimentaire française.

Pourtant, ce qui suit peut se résumer en un exercice d'équilibrisme se proposant de concrétiser en matière agricole le fameux « en même temps » macronien. Un exercice raté car nous ne pouvons que constater, article après article, que la main qui aide les agriculteurs et facilite leurs projets est systématiquement moins forte que celle qui, dans une recherche désespérée de considération de la part des tenants de la décroissance et de l'écologie punitive, restreint leur liberté.

Ainsi, ce refus politique de choisir nous a conduits à un texte d'immobilisme camouflant mal, par quelques mesures insuffisantes en faveur du monde paysan, un surcroît de normes qui ne feront qu'alourdir le carcan qui l'étouffe et qui l'a amené à exprimer sa colère ces derniers mois.

Où est le renouveau de la production agricole lorsque vous mettez en place un diagnostic climatique et économique des exploitations, c'est-à-dire un outil pensé par les tenants de l'idéologie « décroissantiste » dans l'objectif assumé de décourager cette même production ? Où est le respect de la liberté de carrière de nos agriculteurs lorsque vous étendez de trois à cinq ans avant l'âge de la retraite le délai limite pour satisfaire à l'obligation de notifier à l'administration un arrêt d'exploitation, ce qui, selon le Conseil d'État, « est de nature à contraindre l'activité agricole dans des proportions inédites » ?

Où est le souci d'encourager une nouvelle génération d'agriculteurs à se lancer lorsque vous obligez tout candidat à la reprise d'une exploitation – sans doute pour l'habituer à la contrainte permanente qui l'attendra tout au long de sa carrière – à bénéficier d'un fumeux service personnalisé d'accompagnement et de conseils, fourni par des cabinets agréés, s'il veut percevoir les aides à l'installation ?

Où est la confiance envers les agriculteurs lorsque vous créez par voie d'amendement un stage de sensibilisation venant s'ajouter aux peines sanctionnant un manquement aux règles environnementales, assumant ainsi de considérer nos agriculteurs comme des ignorants qu'il convient d'éduquer ?

Où est l'engagement de ne plus faire de surtransposition des normes européennes lorsque, sous couvert de simplification, vous soumettez nos exploitants à une législation sur les haies plus étendue et plus contraignante que les prescriptions de l'Union européenne ?

Où sont les conséquences législatives du soutien que vous avez manifesté envers les agriculteurs de Sainte-Soline lorsque, en prévoyant un juste aménagement des procédures contentieuses pour les ouvrages hydrauliques agricoles, vous en excluez les bassines prélevant des eaux souterraines, sans doute par peur de provoquer une nouvelle levée de boucliers dans les rangs de l'extrême gauche ?

Où est la prise en considération du caractère urgent de la réforme du cadre fiscal et social s'imposant à nos agriculteurs lorsque vous renvoyez aux textes budgétaires de l'automne prochain des mesures que vous avez claironnées ces derniers mois, comme le renforcement de l'abattement sur les transmissions d'exploitations ou celui du dispositif d'exonération de cotisations des travailleurs saisonniers ? Pourquoi ne pas les avoir intégrées au texte ?

Enfin, et c'est sans aucun doute le plus important, où sont les seules mesures aptes à sauver l'agriculture française, à savoir la fin de la concurrence internationale déloyale et celle de l'écologie punitive, qui mènent nos filières à la catastrophe, ainsi que la garantie de prix rémunérateurs, que le cadre législatif n'assure toujours pas ?

Mes chers collègues, quelques mesures opportunes mais mineures ne sauveront pas un texte qui, en esquivant perpétuellement le fond du problème, échoue lamentablement à tenir son rang de projet de loi d'orientation agricole. Pire, il représente pour la dignité de nos agriculteurs un véritable camouflet ; il ne récoltera auprès d'eux que la saine résistance qu'il mérite.

C'est pourquoi, en dépit des appels de certains syndicats – dont nous nous demandons s'ils visent à défendre réellement les intérêts agricoles ou s'ils ne cherchent pas plutôt à donner le change pour éteindre la colère qui gronde –, nous voterons contre ce texte et continuons d'appeler de nos vœux une grande loi de libération de l'agriculture française qui nous permettra d'assumer à nouveau notre rang de puissance agricole mondiale et rendra à notre monde rural sa fierté et sa dignité. Ce que nous souhaitons, c'est mettre sur la table les vrais enjeux !

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