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Intervention de Marie Pochon

Séance en hémicycle du mardi 28 mai 2024 à 15h00
Souveraineté alimentaire et renouvellement des générations en agriculture — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Pochon :

La loi qui va être votée est absolument remarquable. Elle est remarquable par l'ampleur de tout ce qu'elle ne traite pas. Nous, les Écologistes, avons arraché l'ajout de l'objectif de la juste répartition de la valeur, la défense du pastoralisme et de l'agriculture biologique, la suppression de la tentative de financiarisation de l'agriculture par les groupements fonciers d'investissement, la garantie du pluralisme et de la neutralité dans l'accompagnement à l'installation et, même, un rapport consacré au contrôle par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) des importations de miel.

En revanche, toutes nos propositions structurelles ont été rejetées, qu'il s'agisse de mieux réguler le foncier, de fournir les moyens nécessaires aux établissements publics, de former les agriculteurs de demain, de développer l'agroécologie ou de garantir au secteur une gouvernance plus démocratique.

En dépit de soixante-dix heures d'examen, cette loi ne contient toujours rien sur le revenu des agriculteurs, rien sur la lutte contre la concurrence déloyale, rien qui protège les terres de la spéculation, et de la concentration, rien contre l'agrandissement des exploitations, rien sur la transition écologique, rien enfin qui ne permette d'atteindre les objectifs d'installations fixés par le texte lui-même, dont ils devaient pourtant constituer le cœur.

Pourquoi, monsieur le ministre, alors que tout – des constats scientifiques à la volonté de la majorité des agriculteurs en passant par l'objectif de souveraineté alimentaire ou par le mur des limites planétaires qui se dresse devant nous – devrait nous inciter à prendre cette direction ?

Nous connaissons la réponse à cette question. Ce texte est indigent car le secteur agroalimentaire est pris en tenaille par des intérêts contradictoires. Il est certes très facile de se réfugier derrière l'idée de la cohabitation des modèles, mais elle n'est qu'un mythe qui permet de dire à chacun ce qu'il veut entendre sans se mouiller. Car, en réalité, entre les éleveurs extensifs des fermes familiales et la poignée de firmes céréalières intensives qui visent l'exportation et ont l'oreille des ministères, les intérêts sont contradictoires.

Quand les premiers ont besoin d'un marché qui soit protégé des fermes usines américaines ou argentines pour continuer de vendre leurs produits au prix juste, les secondes demandent la dérégulation des marchés et défendent les accords de libre-échange pour écouler leur production dans les pays du Sud. Quand les premiers ont besoin qu'on organise le partage de l'eau pour assurer l'alimentation de leurs animaux, les secondes ont intérêt à accaparer la ressource pour irriguer leurs cultures et maximiser leurs profits. Quand les premiers auraient besoin que la PAC valorise les haies, les pâturages et les pratiques agroécologiques, les secondes, pour récupérer la majorité des aides publiques, défendent la PAC qui distribue les aides à l'hectare.

Contrairement à ce que vous prétendez, vous ne défendez pas tous les modèles. Vous en tuez un pour asseoir la domination d'un autre. Vous tentez de camoufler ce choix en utilisant de jolis mots qui, à la première lecture, apaisent : souveraineté alimentaire, sécurisation, simplification, libération. Vous osez dire que vous portez la voix de la majorité mais vous défendez la minorité des mieux lotis. Vous osez parler de bon sens mais vous le dévoyez en répétant à l'envi la formule « pas d'interdiction sans solution » tout en vous acharnant contre toutes les solutions qui permettraient aux agriculteurs de devenir plus autonomes ou de se passer des intrants chimiques. Vous le dévoyez en multipliant les interventions démagogiques en défense des fermes usines, dont vous prétendez pourtant qu'elles n'existent pas, quand, en même temps, vous ne faites rien pour défendre concrètement l'immense majorité des élevages français, menacés par la concurrence internationale.

Les Écologistes ont proposé de garantir que la viande servie dans les cantines publiques soit française. C'était une occasion simple d'offrir des débouchés à nos éleveurs et d'éloigner le bœuf argentin et le poulet thaïlandais des assiettes de nos enfants. Pourtant, collègues de la majorité, des Républicains et du Rassemblement national, vous avez voté contre.

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