Ainsi, en matière de souveraineté alimentaire, les objectifs définis sont tellement nombreux que l'on peine à déceler le cap fixé. Certains points essentiels – comme ceux relatifs à l'agriculture biologique – avaient même été oubliés dans la rédaction initiale et ont dû être ajoutés à la hussarde.
Quant à la reconnaissance de l'intérêt général majeur de l'agriculture, c'est une disposition à la portée toute symbolique. La protection de l'environnement est, et restera, constitutionnellement garantie et cet ajout au code rural ne changera donc pas la donne. Le même constat s'applique à l'article 8 qui définit des objectifs d'installations. Comment espérer parvenir à une stagnation des effectifs agricoles – puisque tel est l'objectif que vous vous êtes fixé – sans mener une réforme du foncier ?
Ce projet de loi comporte aussi des occasions manquées. Ainsi, la création de diagnostics modulaires répond à une demande du monde agricole, mais sans financement dédié, rares seront les agriculteurs à s'emparer de ce nouvel outil.
Il me faut dire un mot, également, des dispositions contestées et contestables de ce projet de loi. L'une des principales visait à créer des groupements fonciers agricoles d'investissement (GFAI) ; elle a fort heureusement été écartée par notre assemblée, puisque nous avons majoritairement souhaité éviter une financiarisation de l'agriculture et une augmentation du risque de renchérissement du prix du foncier.
La réécriture de l'article 13, en revanche, a été adoptée. Vous promettiez initialement une révision et une harmonisation du quantum des peines en cas d'atteintes à l'environnement. Nous étions prêts à vous suivre, mais vous n'avez finalement pas retenu cette solution.
Vous avez fait adopter un amendement qui « réserve la qualification de délit aux cas dans lesquels les faits ont été commis de manière intentionnelle ». Cette présomption s'appliquera à toute personne, qu'elle travaille dans l'agriculture ou non, et à tous les faits, qu'ils soient ou non commis dans le cadre d'une activité agricole. Un pan entier du droit environnemental est ainsi touché, avec un grave risque de régression.
Cette réécriture ne satisfait pas non plus les agriculteurs, qui se voient infantilisés par la création d'un stage de sensibilisation à la préservation de l'environnement en cas d'atteinte à la biodiversité. Espérons que les sénateurs auront la lucidité de revenir sur ces dispositions.
J'en finirai en évoquant les rares mesures allant dans le bon sens, au premier rang desquelles la création d'un guichet unique pour l'installation des exploitants et la transmission des exploitations. Elle est de nature à améliorer les contacts entre les cédants et les nouveaux arrivants. De plus, elle renforcera l'accompagnement des agriculteurs.
De même, nous nous réjouissons de l'adoption de notre amendement qui permet d'adapter les calendriers de taille des haies aux réalités locales comme de celui qui autorise les sociétés civiles agricoles à pratiquer, à la marge, des activités commerciales accessoires. Ce sont de bonnes dispositions.
Toutefois, il ne s'agit que de maigres avancées qui ne justifient pas, à elles seules, que notre groupe apporte son soutien au projet de loi. Espérons que les textes promis seront bel et bien présentés, et qu'ils répondront enfin aux attentes du monde agricole.