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Intervention de René Pilato

Séance en hémicycle du lundi 27 mai 2024 à 16h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Pilato :

Face à la mort, nous prenons conscience de notre finitude. Comment voulons-nous finir nos jours ? La première partie du projet de loi prévoit l'accompagnement d'une personne gravement malade, dans un cadre que nous voulons non lucratif. Si l'issue doit être fatale, la seconde partie vise à permettre à ce malade de choisir comment mettre fin à des souffrances réfractaires et insupportables : soit en recourant aux modalités fixées par la loi Claeys-Leonetti, soit en ayant recours au nouveau droit dont nous allons discuter.

Nous, membres du groupe La France insoumise, considérons que ce projet de loi, amendé, sera une avancée majeure sur le chemin de l'humanisme. L'asservissement des humains par d'autres humains existe toujours ; l'emprise sur les esprits et les corps perdure. La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État a garanti la liberté de conscience – vous pouvez croire, ne pas croire, ne pas savoir, sans être inquiété –, mais surtout la neutralité de l'État : fondée sur notre devise Liberté, Égalité, Fraternité, elle est le ciment de la République. Elle a enclenché un processus d'émancipation. Au cours du XXe siècle, la lente évolution des esprits amène à considérer que les femmes ont le droit d'avoir un salaire, de travailler sans l'accord de leur père ou de leur mari, de voter, d'ouvrir un compte bancaire, bref d'exercer leur libre arbitre. Soyons fiers que la France soit le premier pays à avoir constitutionnalisé l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Au cours du XXIe siècle est également adopté le principe d'une union indépendante du genre : c'est une nouvelle liberté, le droit à des moments de bonheur avec la personne de son choix.

L'école émancipatrice doit développer l'esprit critique, rendre l'être humain moins vulnérable et lui permettre, en toute conscience, d'écrire son avenir jusqu'à sa mort. Le projet de loi dont nous débattons garantira l'ultime liberté de regarder sa souffrance en face et de lui dire : tu ne vaincras pas. Alors que mon état est insupportable pour moi et mes proches, je conserve ma dignité. Par un dernier geste, je démontre que ma volonté l'emporte sur tout dogme, sur tout jugement. Je dis à mes proches que je les aime et que nous nous tiendrons la main, dans un esprit de fraternité, lorsque je choisirai l'heure de ma mort. Le texte garantira, dans un cadre non lucratif, l'égalité des droits en matière d'arrêt des souffrances et la liberté de disposer de son corps. À ceux qui pensent que tout serait écrit, rappelons qu'en république, les lois sont votées par la population ou par ses représentants, que nous sommes. Pour légiférer dans le cadre juridique fixé par la loi de 1905, il nous faut laisser nos croyances, notre intimité, aux portes de l'hémicycle.

Comme un droit n'est pas une obligation et que nous sommes libres de l'exercer ou non, ce texte, qui prévoit une clause de conscience, sera bien une loi de laïcité. Je le répète : dans l'hémicycle, nous sommes libérés de toute contrainte, uniquement soumis à la tutelle de la raison, sans croyance ni préjugé. Il nous est demandé si nous, députés de la République française, poursuivrons le travail de nos prédécesseurs en faveur de l'humanisme, en créant un droit nouveau qui libère d'un jugement dogmatique sur la mort. Chers collègues, être libre, c'est choisir ses contraintes. Pensons humain, nous voterons juste.

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