De Platon à Schopenhauer, la mort a toujours hanté la condition humaine. La philosophie antique, puis les religions monothéistes ont tenté de répondre à cette question qui nous agite : il faut reconnaître humblement qu'elle reste ouverte, tant pour les citoyens qu'au Parlement. L'homme a voulu résoudre ce mystère insondable ; notre assemblée, pour la quatrième fois en vingt-cinq ans, légifère sur la fin de vie. Comme le disait Machiavel, « tout n'est pas politique, mais la politique s'intéresse à tout » : dans la vie d'un parlementaire, il est rare d'avoir à travailler sur un sujet ayant une telle portée civilisationnelle.
Au cours des prochains jours, nous parlerons de sujets qui touchent à l'intime : la maladie, le deuil. C'est d'une main tremblante que le législateur doit tenir sa plume : face à la mort, nous sommes bien peu de chose. Par respect pour les convictions philosophiques, religieuses ou personnelles de chacun, la présidente de notre groupe, Marine Le Pen, a tenu à la liberté de vote : s'agissant d'un sujet de société, la société devrait trancher, grâce à un référendum. Comme certains collègues, je suis favorable à ce que la loi évolue ; cela ne m'empêche pas de respecter les députés qui y sont opposés, et qui font valoir des inquiétudes légitimes, notamment au vu des pratiques de certains pays.
Dans cet hémicycle, nous pouvons toutefois nous rejoindre autour d'une crainte partagée par la plupart des Français : celle d'une mort longue et douloureuse – c'est en tout cas ce que j'ai ressenti tout au long des quatre débats citoyens que j'ai organisés dans ma circonscription. C'est la crainte de voir souffrir leurs proches qui pousse nombre de nos compatriotes à s'interroger. Nous partageons l'appréhension que l'aide active à mourir ne devienne un palliatif aux soins palliatifs : il est hors de question que, demain, l'individu atteint d'une pathologie incurable se considère comme un fardeau pour la société.
J'insiste sur le fait que la sincérité des débats n'est pas pleinement garantie en raison du grand flou entourant le renforcement des soins palliatifs, notamment dans les vingt départements qui ne sont couverts par aucune unité compétente. L'absence de loi de programmation, l'adoption par 49.3 des textes budgétaires, y compris le PLFSS, empêcheront les parlementaires d'avoir la main sur l'application de votre stratégie décennale. Comme les paroles s'envolent mais que les écrits restent, madame la ministre, je réitère ma demande formulée en commission : pouvez-vous nous fournir, avant l'adoption de ce texte, des éléments écrits précis concernant l'ouverture des vingt unités de soins palliatifs manquantes ? Combien de lits seront créés, où et quand ? On ne peut évoquer le suicide assisté ou l'euthanasie en faisant fi de l'effectivité des soins. Cette information primordiale est une condition préalable pour permettre à chacun de déterminer son vote.
Contrairement à certaines idées reçues, en France, sauf cas particuliers, la législation empêche déjà que des malades ne meurent dans d'atroces souffrances, notamment depuis la loi Claeys-Leonetti.