Changer la norme et adapter la législation, c'est le chemin que nous avons l'honneur d'emprunter chaque jour dans cet hémicycle au nom du peuple français.
Chaque jour, nous débattons et votons ici avec la conviction de définir un droit vivant, qui donne des orientations à la société ou qui, plus modestement et plus certainement, répond à ses aspirations profondes.
Pour le législateur, il ne s'agit pas de suivre les tendances ou de répondre à des aspirations individuelles, mais bien de faire en sorte que le droit traduise les évolutions les plus profondes de la société. La représentation nationale a aujourd'hui cette immense responsabilité.
Dans chaque famille touchée par la douleur, dans les services hospitaliers et, en définitive, dans chaque conscience aspirant à la dignité pour soi et pour les autres, les regards sont tournés vers nos travaux. Les attentes sont immenses et les aspirations profondes.
Nous pourrions évoquer ici les conclusions de la Convention citoyenne sur la fin de vie, nous pourrions rappeler à l'envi les sondages qui démontrent l'adhésion massive des Français à la démarche dont nous débattons ; mais notre débat doit se garder de certitudes, de leçons et d'idées préconçues.
Lorsqu'on évoque le rapport à la mort, fondé sur le questionnement le plus intime et le plus personnel qui soit, ce sont l'humilité, l'écoute et le respect qui doivent nous guider. Dans une société fracturée, traversée par de vives tensions, toutes les convictions doivent être respectées et la liberté doit être garantie.
Ma conviction, vous la connaissez ; elle est partagée par beaucoup d'autres, comme les représentants de l'ADMD, qui sont présents ce soir et que je salue. Cette conviction, c'est qu'il faut offrir à chacun une fin de vie libre, digne et choisie.
En commission spéciale, nous avons longuement débattu et sommes parvenus à faire progresser le texte, notamment grâce aux amendements du groupe Socialistes. Nous avons ainsi inscrit l'aide à mourir en tant que droit dans le code de la santé publique. Nous avons également consacré le principe d'une répartition équitable de l'offre de soins palliatifs renforcée, en milieu hospitalier, dans les Ehpad, à domicile. Nous y sommes très attachés et Jérôme Guedj aura l'occasion d'y revenir.
Nous avons élargi la condition d'accès à l'aide à mourir en substituant au critère d'un pronostic vital engagé à court ou moyen terme le critère de présence d'une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale. La notion de pronostic vital engagé à court ou moyen terme était en effet jugée particulièrement floue et indéfinissable par de nombreuses personnes auditionnées. La nouvelle formulation pourra également s'appliquer aux personnes frappées par une maladie à évolution lente.
Nous avons apporté des garanties à l'intervention d'une personne volontaire dans l'administration de la substance létale et, comme nous le proposions, un délit d'entrave à l'aide à mourir a été créé.
Nous regrettons toutefois le recul que constitue une disposition introduite à l'initiative de la présidente de la commission spéciale, qui a rendu la souffrance physique préalable à toute souffrance pour justifier une aide à mourir. Les souffrances psychologiques qui peuvent résulter d'une situation de vie dégradée se trouvent ainsi négligées.