Nous sommes tous confrontés à la finitude de notre propre existence, à la mort d'un proche des suites d'une affection grave.
À l'expérience intime et personnelle s'ajoute une dimension collective. C'est la nécessité d'apporter une réponse sociétale et humaniste à l'accompagnement des personnes en grande souffrance et en fin de vie qui nous appelle à légiférer.
C'est en avril 2023, à l'issue d'un processus démocratique lancé par le Président de la République, que la Convention citoyenne sur la fin de vie a remis ses travaux – nous pouvons tous en saluer la qualité et le sérieux. Ont ensuite été saisis pour consultation diverses autorités et organes spécialisés, à commencer par le Comité consultatif national d'éthique, dont la contribution a elle aussi été essentielle. Le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale a été débattu en commission spéciale ; il nous appartient à présent de parachever ce travail en séance publique.
La loi Leonetti de 2005 et la loi Claeys-Leonetti de 2016 ont marqué une évolution majeure dans la prise en charge de la fin de vie. Conjuguées à notre modèle social, elles ont permis de développer une culture et une pratique des soins palliatifs en France. C'est une spécificité française dont nous pouvons être fiers, car très peu de pays disposent d'une offre de soins d'aussi bonne qualité et financés par la collectivité. Le bilan révèle toutefois des marges de progression : il convient d'étendre et de développer l'accès aux soins palliatifs sur l'ensemble du territoire.
C'est pourquoi la commission spéciale a tenu à renforcer la portée du titre Ier du projet de loi en y inscrivant une programmation budgétaire pour les soins d'accompagnement et les soins palliatifs. Le plan personnalisé d'accompagnement constitue une autre nouveauté essentielle pour améliorer l'accompagnement des patients atteints d'affections graves : dans une approche holistique, il place le patient au cœur de la stratégie de soins.
Les soins palliatifs demeurent la solution proposée par le corps médical à la fin de vie. À cet égard, l'article 7, alinéa 10, du titre II rappelle clairement que le médecin « propose à la personne de bénéficier des soins palliatifs », lesquels peuvent aller jusqu'à la sédation profonde et continue. Le Conseil économique, social et environnemental, le Comité consultatif national d'éthique, dans son avis 139, et les soignants eux-mêmes s'accordent à dire qu'il existe des cas exceptionnels auxquels la loi Claeys-Leonetti n'apporte pas de solution suffisante. L'Académie de médecine considère dans un avis qu'il est inhumain de ne pas répondre à la désespérance de personnes qui demandent les moyens d'abréger les souffrances qu'elles subissent au prétexte que leur pronostic vital n'est engagé qu'à moyen terme, et non à court terme.
De ce fait, et bien que le nombre de personnes concernées soit très limité, ce texte propose une évolution de la prise en charge vers l'aide à mourir – certains parleront de rupture. La demande ne peut émaner que du patient en personne, et ne peut être recevable que si elle remplit des critères précis et stricts, définis à l'article 5 du titre II. Il nous appartient d'en débattre la formulation afin de garantir la cohérence et l'applicabilité du texte. Outre ces critères, l'exigence d'une décision libre et éclairée et d'un discernement entier tout au long du processus conditionne l'aide à mourir et la rend exceptionnelle.
Le corps médical nous a fait part de ses nombreuses craintes à l'égard de ce texte ; nous les avons entendues. Nous accordons toute notre considération et notre confiance au corps médical, en particulier aux personnels qui œuvrent au sein des services de soins palliatifs.
C'est à présent à nous, parlementaires, que revient la tâche difficile de nous prononcer sur un sujet aussi grave et sensible. Je veux croire que nos débats seront respectueux des convictions de chacun au sein de tous les groupes.