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Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du lundi 27 mai 2024 à 16h00
Discussion d'une proposition de loi — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat, rapporteure :

Lui aussi voit aboutir un long combat, engagé il y a vingt-quatre ans au Sénat. Permettez-moi de partager ses mots avec vous : « Pouvoir décider de sa fin de vie, c'est commencer à entrer dans une humanité radicale. Ne plus avoir peur de la mort, c'est commencer à être radicalement et intimement libre. »

Je suis confortée par la conviction que la société est prête à cette évolution législative, et même l'appelle de ses vœux. Nos concitoyens connaissent les avancées réalisées par nos voisins européens. À plusieurs reprises, en particulier à l'occasion de la Convention citoyenne, ils se sont clairement prononcés en faveur d'une évolution du cadre légal de la fin de vie. Je prends aussi la parole avec gratitude envers ceux qui m'ont fait confiance en m'élisant rapporteure : j'aurai donc l'honneur de rapporter les articles 16 à 21, et j'assure tous nos collègues de ma volonté de faire aboutir ce texte.

J'ai pour ambition que nous trouvions l'équilibre entre un accès universel à une fin de vie digne et l'assurance que la loi sera effectivement appliquée par les professionnels de santé. « Ce n'est pas la mort que je crains, c'est de mourir » : cet aveu de Montaigne résume notre problématique. Ce texte est nécessaire : il est temps que chacun puisse choisir les conditions de sa fin de vie, mourir le plus sereinement possible, faire valoir cette ultime liberté. Je le dis aux professionnels de santé : il n'y a aucune désinvolture dans la façon dont nous appréhendons leur rôle dans ce processus. La clause de conscience que feront jouer ceux ne souhaitent pas y prendre part figurait déjà dans une proposition de loi que j'avais déposée en 2018 ; elle figure aujourd'hui dans ce projet de loi. En vertu de l'esprit d'équilibre que je viens d'évoquer, nous associons à cette clause l'obligation pour les professionnels concernés d'informer sans délai de leur refus la personne sollicitant une aide à mourir et de lui communiquer le nom de confrères disposés à la lui procurer.

Je l'affirme avec force : aucune procédure d'aide à mourir n'aura lieu à l'abri des regards, sans garantie que les conditions d'accès ont été respectées et qu'elle se conforme aux règles. La création de la commission de contrôle et d'évaluation vise à assurer que la fin de vie, en France, fera l'objet d'un suivi et d'une évaluation rigoureuses, et que sera tenu à jour l'annuaire des professionnels de santé disposés à participer à ces procédures. Encore une fois, je suis fière d'être rapporteure de ce projet de loi, qui prévoit un progrès considérable : au moyen de la prise en charge intégrale par l'assurance maladie des frais liés à l'aide à mourir, nous nous assurons qu'elle ne sera pas réservée à ceux qui en auraient les moyens. Nous neutralisons les dispositions du code des assurances et de la mutualité prévoyant des exclusions de garantie en cas de suicide : il n'est pas question de traduire dans le droit ces pratiques d'un temps révolu qui consistaient à enterrer les suicidés à l'écart du cimetière du village.

Ce texte porte un espoir immense. Je suis fière que chaque soignant y soit considéré, que doive être recueilli l'avis des aides-soignants, qui connaissent les patients et les accompagnent au quotidien : il était temps que la législation reconnaisse pleinement leur rôle. Je forme le vœu que nos débats soient apaisés. Nos concitoyens nous regardent ; ils attendent beaucoup de nous. Nous allons discuter d'un texte éthique, revivre des moments douloureux. Nous aurons tous à cœur de défendre notre vision de la vie, de sa fin, l'idée que nous nous faisons de ce qui est juste ou digne. Personne, ici, ne détient une vérité universelle qu'il pourrait opposer aux autres. Je partage néanmoins avec vous une certitude : la mort n'est pas un tabou et ne doit pas l'être.

Je souhaite que cette future loi soit applicable et appliquée. Nous commençons à marcher sur ce chemin, nous ouvrons une voie. Notre tâche est difficile, l'équilibre qu'il nous faut atteindre délicat ; je suis certaine qu'il reste cependant à notre portée et que nous adopterons ce texte, qui représente une avancée importante pour la société que nous formons.

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