Certaines bénéficient de soins palliatifs, d'autres non. La première réponse proposée demain aux patients consistera en soins palliatifs, s'ils le souhaitent. Nous parlons de personnes qui connaissent des souffrances insupportables, inapaisables, intenables, parfois même indicibles. Nous parlons d'agonies, de fins de vie qui deviennent une survie. Nous parlons de « situations de supplice non soulagées », selon les termes de l'Académie nationale de médecine. Nous parlons de personnes trop affaiblies pour crier leur douleur, mais dont le simple regard exprime un vibrant appel à l'aide. Nous parlons de personnes qui demandent que l'on respecte leur choix à la fois libre, éclairé et réitéré. Nous parlons de proches, de familles, d'aidants profondément affectés et désemparés face au calvaire de celui ou de celle qu'ils aiment et accompagnent au quotidien. Nous parlons de ces moments qu'évoquait Victor Hugo, où « la crainte de la vie l'emporte sur la crainte de la mort ». Nous parlons de souffrances dont aucune conscience ne saurait se détourner. Devant de telles détresses, l'indifférence devient inhumaine. Comment pourrions-nous ignorer les souffrances des personnes en fin de vie, l'angoisse de nos concitoyens et de leurs proches, non seulement face à la mort, mais aussi face à ce qui peut la précéder ? Comment pourrions-nous ignorer la demande pressante, dans notre société, d'être accompagné à chaque instant, jusqu'au bout, jusqu'au moment d'éteindre la lumière ?
Ne rien faire, ce serait faillir à notre devoir de sollicitude, sacrifier notre devoir d'humanité et notre responsabilité devant autrui, évoquée par Emmanuel Levinas. Savoir qu'il existe une aide à mourir peut être un soulagement pour le patient, quand bien même il n'aurait pas recours à cette ultime solution. Aussi le Gouvernement choisit-il, à l'initiative du Président de la République et du Premier ministre, une réponse éthique à ces situations où la fin de vie est une agonie, en proposant d'inscrire dans la loi une aide à mourir accessible sous des conditions strictes et claires, je le répète, et selon une procédure encadrée. En réponse à une demande autonome de la personne malade, nous réaffirmons le principe de solidarité.
Nous disons ainsi aux patients que nous serons jusqu'au bout à leurs côtés, que nous ferons tout pour apaiser leurs souffrances et respecter leur volonté. Nous nous engageons auprès des malades à ne pas les abandonner, si leur état venait à se détériorer gravement et si leurs souffrances devenaient insupportables. Nous nous engageons auprès de la société à ce que le patient demeure l'acteur de sa vie : lui seul, dans un colloque singulier avec le médecin, peut signifier son choix. Nous nous engageons auprès des opposants au texte à ce que le patient seul exprime sa volonté, de manière libre, éclairée et réitérée.
Cette volonté libre et éclairée, sur laquelle repose tout le texte, initiera la procédure. Seul le patient formule la demande et la confirme ; à tout moment, il pourra se rétracter. Nous retrouvons la notion de volonté libre et éclairée qui, depuis Emmanuel Kant, fonde la philosophie occidentale : l'entendement engendre le discernement, la faculté intellectuelle de comprendre. Nous ouvrons une possibilité, dans des cas très précis, d'exercer cette liberté, comme une ultime affirmation de la dignité et de l'autonomie des patients face à la mort, face aux souffrances atroces qui la précèdent.
Nous touchons là au fondement du texte, à son principe cardinal, sur lequel nous ne pouvons transiger : le discernement du patient tout au long de la procédure, qui ne doit en aucun cas être enclenchée sans qu'il soit en mesure de confirmer sa volonté autonome jusqu'aux derniers instants. Ce projet de loi protégera les patients grâce aux conditions d'éligibilité qu'il prévoit : le Gouvernement est foncièrement attaché aux cinq critères cumulatifs initialement proposés comme garants de son bon équilibre.