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Intervention de Catherine Vautrin

Séance en hémicycle du lundi 27 mai 2024 à 16h00
Discussion d'une proposition de loi — Présentation

Catherine Vautrin, ministre :

C'est animée de sentiments d'humilité et de gravité, pleinement consciente de notre responsabilité, que je me tiens devant vous pour aborder une question qui résonne au plus profond de notre humanité, qui convoque les dimensions les plus intimes et parfois douloureuses de notre existence : la fin de vie.

Mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie. C'est en effet de vie et de mort que nous allons débattre dans les prochains jours. Si la mort est consubstantielle à la condition humaine, nous l'évoquons rarement dans le cadre du débat politique et citoyen. Les échanges au sein de la commission spéciale ont montré que, comme d'autres textes portant sur de grands sujets sociétaux – je pense à la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse, à celle du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d'organes, aux lois de bioéthique, aux précédentes lois consacrées à la fin de vie –, celui-ci marquera l'Assemblée nationale.

Dans les prochains jours, nous allons évoquer des états pathologiques très graves, des pronostics vitaux engagés, des souffrances que rien ne peut plus soulager, des désespérances qui nous placent face à notre finitude et nous plongent parfois dans un enrageant sentiment d'impuissance. Ces situations font apparaître les limites du savoir et des traitements en l'état actuel de la science. Nous allons évoquer les dilemmes les plus déchirants de notre existence. Nous toucherons à l'intime de chacun, à des souvenirs personnels parfois extrêmement lourds. Nous allons débattre de convictions qui touchent au cœur chacune et chacun d'entre nous. Pour autant, devons-nous légiférer sur de tels sujets seulement à partir du vécu ? Je ne le crois pas.

Le projet de loi, par sa portée, nous invite au dépassement de soi : nous devons aller au-delà de notre vécu, au-delà de l'appartenance à un groupe parlementaire, de nos idées préconçues, de la vie quotidienne. Il nous invite à répondre collectivement à des questions d'une profonde gravité. Quelle réponse éthique apporter à des souffrances inapaisables ? Pouvons-nous fermer les yeux sur des douleurs auxquelles ni la médecine ni la législation ne sont en mesure de remédier ? Pouvons-nous accepter que certains de nos concitoyens se rendent à l'étranger pour y finir leurs jours ? Pouvons-nous laisser des médecins seuls, démunis, face aux souffrances de leurs patients ?

J'en suis profondément convaincue : c'est l'honneur du Parlement que de s'emparer des sujets les plus graves, les plus bouleversants, qui traversent et parfois tourmentent la société. Il est de notre devoir, pour reprendre les mots du Président de la République, de regarder la mort en face. Au cours des dernières décennies, les progrès considérables de la médecine ont entraîné une médicalisation croissante de la fin de vie. Il subsiste toutefois des situations de grande vulnérabilité, qui confrontent les médecins à des souffrances intenses et persistantes, soulevant d'importantes questions médicales, de profondes questions éthiques, de lourdes questions juridiques. La main qui soigne accompagne le patient tout au long de son parcours, dans un colloque singulier, fait de respect et de confiance. Nous ne pouvons l'opposer à la notion de fin de vie dès lors que nous avons pris l'engagement d'entendre la volonté du patient à tous les stades de sa maladie.

Le Parlement a su trouver de premières réponses aux problèmes éthiques de la fin de vie. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, a permis à un patient de refuser les soins qui lui sont proposés. La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi Leonetti, interdit qu'une obstination déraisonnable fasse poursuivre le traitement d'un patient en fin de vie et affirme le respect de la dignité des personnes malades. La loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi Claeys-Leonetti, institue un droit à « la sédation profonde et continue jusqu'au décès » pour des patients, atteints d'une maladie grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme. Force est de constater pourtant que la législation en vigueur ne suffit pas. De l'avis de l'Académie nationale de médecine, nous ne sommes pas en mesure de répondre à l'attente des personnes en situation de détresse physique et psychologique, souffrant de maladies graves et incurables, dont le pronostic vital est engagé sans espoir à moyen terme.

La demande sociétale est claire : il faut un pas de plus. Cette attente ne relève ni d'un sondage, ni d'une impulsion ; elle exprime, au contraire, un mouvement profond et structuré de la société vers une évolution de la loi. Je le répète : le débat parlementaire a été précédé d'un débat de société d'une richesse remarquable. Le cheminement démocratique de ce texte, à n'en pas douter, fera référence. Il a permis de faire progresser notre réflexion, non vers une impossible unanimité, mais vers un consensus éclairé.

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