« Heureusement, j'avais Patrick et les filles, Célia et Julie, sinon je ne sais pas comment j'aurais fait toute seule. On est en colère, on a mal. Ce cancer, il attaque le moral, le physique, l'intime, mais il peut aussi détruire financièrement. »
Elles s'appellent Corinne, Sandrine, Marie, Lucie, Estelle, Myriam. Elles viennent de Limoges, de Felletin, de Toulouse, de Paris. Elles sont peut-être vos sœurs, vos mères, vos voisines, vos collègues, vos amies – vous-mêmes. Elles sont nombreuses, trop nombreuses, chaque année, à être frappées par le cancer du sein. En France, une femme sur huit en contractera un. S'il est traité à temps, les femmes s'en sortent dans 90 % des cas. Mais cette statistique ne doit pas nous faire oublier les 12 000 qui décèdent chaque année, ni le combat quotidien de celles qui luttent contre la maladie.
« J'avais 37 ans. Je venais juste d'avoir la petite. J'ai fait un petit contrôle et on m'a appris que j'étais au stade 3, presque foudroyant. Alors on a fait au plus vite : ablation du sein, chimiothérapie, les ongles, les cheveux », raconte Estelle, qui vit près de Limoges.
« Ils m'ont enlevé une partie du sein, un muscle. J'ai mis un an avant de pouvoir lever le bras. Et puis l'hormonothérapie, ça fait si mal ! Pour randonner, j'ai dû prendre des anti-inflammatoires », ajoute Corinne.
Il y a la maladie, la fatigue, les séquelles, mais en France, cancer peut aussi rimer avec précarité. Le texte le dit : il y a trop de trous dans la raquette. Le cancer du sein nécessite généralement une chirurgie réparatrice, souvent pratiquée dans le privé. Comme le reste à charge s'élève en moyenne à 1 000 euros, 15 % des femmes y renoncent. La maladie a des conséquences sur les ongles, la peau, les cheveux, mais certains vernis et certaines crèmes ne sont pas remboursés, tandis que les perruques sont trop faiblement prises en charge, plusieurs centaines d'euros devant être déboursés. Un soutien psychologique est aussi nécessaire, souvent synonyme, là aussi, de frais. Quant à l'APA, elle n'est pas non plus remboursée, alors qu'elle limite le risque de récidive. Ainsi, une femme qui souhaite un suivi psychologique, physique et diététique dépensera 3 800 euros, mais ne sera remboursée qu'à hauteur de 180 euros. C'est injuste.
Et nous voulons aller plus loin. « J'aime ça, la plage. Ce n'est pas vital, mais ça me fait du bien. Seulement, ils n'ont pas remboursé les maillots de bain adaptés », me dit Corinne. Myriam, elle, me parle de soutiens-gorge : « On a une prothèse, mais rien d'adapté pour la porter. C'est comme si vous aviez une prothèse de jambe, mais pas les fixations. » Les soutiens-gorge, les maillots de bain adaptés ne sont pas un luxe. Ils doivent être remboursés à vos sœurs, vos mères, vos voisines, vos collègues, vos amies – à vous-mêmes ; à Corinne, à Sandrine, à Estelle, à Myriam, à Marie, à Lucie ; aux femmes de Limoges, de Felletin, de Toulouse, de Paris.
Nous ne pouvons empêcher la maladie, mais qu'à cette peine ne s'ajoute pas la précarité ! C'est pour cela que nous sommes ici.