La médecine du grand âge, qui concerne les personnes de plus de 80 ans, compte seulement 2 500 professionnels sur le territoire, ce qui est insuffisant. Notre approche est centrée autour de la personne et de ses projets de fin de vie lorsqu'ils sont exprimés. Les publics, les situations et les formes d'accompagnement sont diversifiés. La spécificité de la gériatrie est tout d'abord psychosociale, avec l'âgisme, une discrimination répandue en France qui véhicule l'idée que le grand âge est synonyme de troubles neurodégénératifs, d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et de vulnérabilité, alors que la majorité des personnes de plus de 80 ans vivent chez elles sans aide médicale. Une autre spécificité est l'isolement, qui peut conduire à des dépressions rarement traitées ou à des tentatives de suicide, et notre accompagnement implique de savoir écouter la lassitude de vivre.
L'acharnement thérapeutique est, dans le grand âge, beaucoup plus rare que la limitation abusive de soins. La loi de 2005, avec la collégialité, a permis de limiter des soins à la condition d'une réflexion collective autour du patient. Notre approche est systémique, elle prend en compte les aidants, qui peuvent être des proches ou des professionnels et sont aujourd'hui insuffisamment considérés. Le grand âge implique également des risques de santé supérieurs, et cette population sait parler de la mort. Cette loi doit permettre d'amener d'importantes évolutions. Il faut maintenir la possibilité du soin autant que possible. En l'absence de loi grand âge, les patients que nous accompagnons sont inquiets. Ils sont inquiets d'être tués au sein d'un hôpital qui ne peut plus les soigner, des soins palliatifs qui ne sont pas présents partout, ou de la douleur. Nous manquons d'endroits où le soin palliatif est bien appliqué et les professionnels, insuffisamment formés, réclament des formations.
Il est indispensable de maintenir la collégialité, qui a permis de soigner équitablement les plus âgés. Nous ne souhaitons pas l'euthanasie, car l'exemple de la Belgique démontre que 50 % des « euthanasies sauvages » concernent des personnes âgées. L'idée d'engager les proches nous paraît dangereuse, à la fois pour l'aidant et pour le patient. Enfin, nous estimons que cela ne doit pas être effectué dans les Ehpad, car appliquer la mort est compliqué lorsque l'on peine déjà à appliquer l'accompagnement de la vie en raison du manque de professionnels.