Plus de 50 % des décès en France ont lieu à l'hôpital, dont 22 % en soins critiques. Plus d'un Français sur dix décédera dans nos services. 70 à 80 % des décès font suite à une limitation des traitements. Nous sommes davantage confrontés, au quotidien, à des demandes d'obstination déraisonnable de la part des proches qu'à des demandes prématurées d'arrêts de traitement. Nous ne sommes pas opposés à une évolution de la loi vers une modalité d'aide à mourir de type suicide assisté pour quelques situations complexes, bien que nous ne puissions pas encore mesurer toutes les conséquences de cette évolution.
La fin de vie ne peut pas être l'apanage des seuls services de soins palliatifs, et tous les professionnels de santé doivent être formés et capables de l'accompagner. Si les précédentes lois ont été une véritable révolution positive, elles sont encore trop mal connues. La France a choisi la voie des lois Claeys-Leonetti plutôt que celle du suicide assisté et de l'euthanasie, empruntant ainsi un chemin différent de celui d'autres pays. Si cette loi répond aujourd'hui aux principales problématiques, des situations éthiquement difficiles subsistent, car chaque cas est unique. Nous avions d'ailleurs sollicité la création d'une instance de médiation nationale pour la gestion des conflits entre proches et équipes soignantes. Il existe encore quelques rares situations complexes auxquelles la loi répond mal.
Avec ce projet de loi, qui va dans le sens d'une ouverture à une aide à mourir assortie de critères stricts, certains Français continueront à s'orienter vers des pays aux critères plus larges. Nous nous interrogeons également sur la disparition des mots « suicide assisté » et « euthanasie d'exception ». La possibilité, pour un infirmier ou un proche, de pratiquer le geste fatal va par ailleurs au-delà de toutes les législations du monde, avec un risque de stress post-traumatique. Évaluer l'autonomie décisionnelle est un enjeu majeur, et nous étions ainsi favorables à la préconisation d'une évaluation psychiatrique afin de dépister l'existence d'un trouble mental réversible. L'absence de collégialité dans le dispositif est perturbante. Nous sommes également interpellés par la réversibilité de la décision. Un délai trop court de décision comporte le risque d'accéder à une demande de mourir chez des patients susceptibles de changer d'avis. Enfin, comment empêcher les dérives des autres pays qui ont inéluctablement élargi leurs critères au titre du principe de non-discrimination ? Cette loi doit répondre à des situations d'exception, mais l'aide à mourir risque de devenir une forme banale de décès. Les chiffres de décès à la suite d'euthanasies dans d'autres pays sont sur des pentes exponentielles.