Il y a encore un an, les problématiques ultramarines et les spécificités du quotidien de nos concitoyens d'outre-mer ne trouvaient que peu d'écho dans l'actualité métropolitaine. Depuis, l'opinion publique a redécouvert ou découvert qu'il existe une France de l'océan Indien, du Pacifique et d'ailleurs, qui souffre du peu de cas que l'on fait d'elle sur le vieux continent : une France singulière, à l'histoire souvent douloureuse, aux particularités multiples, mais résolument attachée à la République.
Les territoires français d'outre-mer abritent une diversité linguistique remarquable, et l'enseignement de leurs langues revêt une importance particulière pour la préservation du patrimoine culturel. À ce titre, les députés Les Républicains voient d'un très bon œil que notre assemblée se penche sur les réalités propres aux Français d'outre-mer, qui pourraient nécessiter des aménagements législatifs. C'est ainsi que notre groupe avait proposé la fin du droit du sol à Mayotte, pour répondre aux insoutenables dérives induites par cette norme sur le territoire mahorais. Oui, mes chers collègues, les députés Les républicains se préoccupent du sort de nos outre-mer et seront toujours là pour les défendre.
Ceci étant dit, le sujet important qui nous préoccupe aujourd'hui ne nous paraît pas traité de la bonne manière par cette très brève proposition de loi. Certes, les langues régionales ultramarines font partie intégrante du patrimoine immatériel français. Elles constituent une richesse dont nous sommes collectivement fiers. Notre groupe était au rendez-vous lors du vote de la loi « Molac ». En effet, les vertus du bilinguisme pour l'éveil des capacités intellectuelles de l'enfant sont reconnues par la littérature scientifique. Aussi, l'exposé des motifs de cette proposition de loi n'est-il pas incongru.
Il faut néanmoins mesurer ce qu'entraînerait la mise en œuvre du texte tel qu'aujourd'hui rédigé. Alors que l'Éducation nationale se trouve en grande difficulté budgétaire, et alors que l'on peine à proposer un salaire supérieur à la moyenne européenne à nos enseignants et à nos aidants, tout en démultipliant leurs missions, il faudrait ouvrir tous azimuts et séance tenante cet imposant chantier. Qui peut croire, connaissant les difficultés du ministère de l'Éducation nationale etde la jeunesse, que cela soit possible dans de bonnes conditions ?
Au problème des ressources financières s'ajoute celui de la ressource humaine. Être professeur ne s'improvise pas ; le recours massif à la contractualisation, couplé à l'abaissement des exigences pour l'enseignement des matières sous tension, a déjà des conséquences délétères. À coup sûr, il en irait de même pour ce nouvel enseignement, ce qui n'est évidemment pas souhaitable.
Enfin, il ne nous apparaît pas pertinent d'imposer indifféremment à tous les établissements d'enseigner les langues régionales. Qu'on le veuille ou non, la demande n'est pas la même partout, et il va sans dire qu'un certain nombre d'élèves préféreraient sans doute privilégier d'autres matières tout aussi utiles à leur formation. Le choix doit rester le leur. L'ajout d'une matière obligatoire dans un emploi du temps non extensible n'est pas la meilleure option possible pour préserver ces langues.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains avait d'abord pensé s'abstenir. La réécriture qui nous est annoncée ce matin, qui rend facultatif l'apprentissage des langues régionales, pourrait cependant nous conduire à changer notre fusil d'épaule et à soutenir ce texte.