Aujourd'hui, la promesse républicaine de traiter tous les enfants de façon égale n'est pas tenue. C'est particulièrement vrai dans nos académies d'outre-mer. Pour s'en persuader, il suffit d'observer ce qui se passe à Mayotte : des milliers de jeunes non scolarisés, des classes bondées, l'absence de cantines scolaires, un bâti scolaire délabré, des écoles vétustes où même l'eau potable fait défaut. Les académies d'outre-mer ne peuvent pas être les oubliées de la République – ce que nous rappelle d'ailleurs ces jours-ci, avec beaucoup de violence, la Nouvelle-Calédonie.
Notre commission est appelée à traiter les affaires éducatives. C'est donc sous cet angle que nous devons légiférer pour réduire les inégalités entre les Ultramarins et la population de l'Hexagone. Pour rappel, les évaluations de niveau montraient, en 2023 encore, des écarts considérables : le taux d'élèves entrant en classe de sixième avec une maîtrise insuffisante ou fragile du français s'élevait à 21,5 % à La Réunion, à 25 % à la Martinique, à 28,7 % à la Guadeloupe, à 44,2 % en Guyane et à 75,4 % à Mayotte – contre 13,3 % au niveau national.
Dans une analyse de la situation scolaire dans les académies d'outre-mer, la Cour des comptes expliquait dans un rapport de 2020 que, si nous devions revendiquer avec force l'égalité de traitement pour les élèves de ces territoires, il fallait néanmoins que l'Éducation nationale apprenne à y mettre en œuvre différemment certains dispositifs scolaires. Cela concerne sans doute en premier lieu l'apprentissage du français car, si « la France, c'est d'abord la langue française » selon Fernand Braudel, encore faut-il donner aux jeunes l'opportunité de bien l'apprendre.
L'un des outils pour y parvenir est la prise en compte de la langue régionale pratiquée par les jeunes. Il y a plus de dix ans maintenant, la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ouvrait d'ailleurs la possibilité d'utiliser ces langues pour l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Cela s'est traduit dans le code de l'éducation par la formulation « approche pédagogique spécifique ». Il s'agit aujourd'hui de préciser le type de pratiques concerné – en l'occurrence, l'apprentissage des langues régionales, car il est aujourd'hui démontré que la bonne maîtrise de la langue première constitue un point d'appui pour l'apprentissage d'une langue seconde, comme l'est ici le français.
Dans les territoires ultramarins, certains enfants vivent dans des communautés multilingues et ne découvrent le français qu'à l'école. Ce décalage de connaissance aboutit souvent à des résultats médiocres, à des redoublements et à des abandons scolaires. En Polynésie française, les dispositifs de renforcement de l'enseignement des langues polynésiennes dans le premier degré ont abouti à des résultats très encourageants mais encore insuffisants. En 2023, l'évaluation des élèves de CM1 démontrait qu'ils étaient deux fois plus nombreux en Polynésie que dans l'Hexagone à rencontrer des difficultés de compréhension du français. Pour qu'ils réussissent, l'apprentissage d'une langue régionale ne suffira pas : il est tout aussi important de mettre l'accent sur la formation des enseignants ou encore sur la production de matériel didactique. Surtout, il est indispensable d'améliorer les mobilités dans ces territoires et les conditions de vie de leurs habitants. En France, l'origine sociale a un impact important sur la réussite scolaire. Or il y a dans les territoires ultramarins un nombre bien plus important d'enfants issus de milieux modestes que dans l'Hexagone.
Pour conclure, et alors que la question européenne est d'une actualité brûlante, je voudrais rappeler la devise de l'Union européenne : « Unie dans la diversité. » En France comme en Europe, nous sommes unis par, pour et grâce à nos différences, y compris linguistiques.