Cette proposition de loi a pour objet central d'améliorer la réussite scolaire des élèves ultramarins. Il est affirmé dans l'exposé des motifs que la maîtrise des langues régionales serait de nature à favoriser cette réussite et à réduire le décrochage scolaire. Le bilinguisme serait, du point de vue cognitif, un puissant stimulant et faciliterait grandement l'acquisition des connaissances enseignées dans les écoles, collèges et lycées.
Disons d'emblée que le groupe Rassemblement national est partisan de la promotion de l'enseignement des langues régionales, constitutives de la culture des outre-mer, comme il l'est aussi de celui des langues régionales métropolitaines de la République. Nous estimons en effet que l'identité nationale du peuple français se construit aussi par un enracinement dans les traditions patrimoniales locales, y compris linguistiques. Nous n'opposons donc en rien l'apprentissage du français et de la littérature française à l'apprentissage des langues vernaculaires. Des évaluations pédagogiques réalisées dans les écoles Diwan en Bretagne comme dans toutes dans les écoles bilingues – ce qui inclut le bilinguisme en langue étrangère – corroborent l'affirmation des rédacteurs de cette proposition de loi, selon laquelle les élèves bilingues sont plus agiles intellectuellement que leurs camarades non bilingues.
Il existe cependant une différence notable en matière linguistique entre les élèves d'écoles basques, par exemple, et les élèves d'écoles situées dans nos outre-mer. Les jeunes ultramarins ne maîtrisent en effet qu'imparfaitement le français, comme le montrent clairement leurs résultats aux évaluations nationales et internationales.
C'est pourquoi nous considérons que cette PPL manque une partie de son objectif visant à améliorer la réussite scolaire des élèves ultramarins. Il faut selon nous distinguer la situation de Mayotte et de la Guyane, d'une part, de celle des Antilles et de La Réunion, d'autre part. Le taux de difficultés en lecture relevé chez les jeunes âgés de 17 ans est évalué à 10,9 % en métropole, à 25 % à La Réunion, à 28 % en Guadeloupe et en Martinique, à 46 % en Guyane et à 71 % à Mayotte : les situations sont bien différentes. Il nous semble donc indispensable de regarder la question de la réussite scolaire des jeunes ultramarins à la fois de manière plus différenciée et d'un point de vue plus global.
Chacun sait que Mayotte et la Guyane sont confrontées à une immigration incontrôlée qui déstabilise leurs systèmes éducatifs respectifs. Ainsi, les cours doivent-ils être dédoublés dans la journée, à Mayotte, et le bâti scolaire est-il totalement dépassé et insuffisant dans les deux départements. C'est pourquoi le programme présidentiel de Marine Le Pen prévoyait le doublement des moyens des centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (Casnav), le renforcement des moyens dédiés aux élèves non scolarisés antérieurement (NSA) ainsi que le développement d'internats éducatifs. Ce qu'il faut, pour ces deux départements que l'on peut considérer comme sinistrés du point de vue éducatif, c'est un plan d'urgence global incluant des mesures d'ordre pédagogique – parmi lesquelles cette PPL trouve toute sa place – mais aussi des mesures concernant les infrastructures, la gestion des personnels enseignants, la formation de ceux-ci au contexte spécifique, ainsi qu'un pilotage renforcé et spécifique aux besoins des outre-mer. Les autres départements des Antilles et de La Réunion devraient eux aussi bénéficier de plans de remise à niveau, dotés de moyens renforcés.
Cette PPL n'apporte qu'une partie des réponses exigées par la situation de l'école d'outre-mer. Pour en revenir à la question strictement linguistique, nous estimons qu'il faut en quelque sorte marcher sur deux jambes et renforcer l'enseignement du français dans les écoles et établissements des collectivités d'outre-mer, concomitamment au renforcement de l'enseignement des langues régionales. Les rédacteurs de la proposition de loi soulignent à juste titre que l'enjeu de la réussite scolaire est aussi, in fine, l'intégration des jeunes dans le tissu économique, qu'il soit régional, national ou international. Le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans dans les outre-mer varie selon les départements de 40 à 52 %, ce qui est intolérable. La maîtrise de la langue française est la condition sine qua non de l'insertion de nos jeunes dans le tissu économique.
Nous nous abstiendrons sur le texte en l'état mais le voterons si nous parvenons à l'améliorer en lui donnant de plus hautes ambitions.