Je tiens tout d'abord à remercier MM. Maillot et Chailloux pour la qualité des échanges et des auditions, lesquels ont permis d'explorer et d'approfondir le sujet des langues régionales en outre-mer mais surtout d'envisager les actions possibles pour améliorer la réussite scolaire. Grâce aux territoires d'outre-mer, la France possède une richesse linguistique insoupçonnée, révélée en 1999 par l'effervescence ayant accompagné la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Dans son rapport « Les langues de la France », le linguiste Bernard Cerquiglini a recensé soixante-quinze langues parlées par des ressortissants français sur le territoire de la République, dont cinquante-cinq sont utilisées outre-mer. Ces langues se distinguent d'abord par leur situation sociolinguistique. Particulièrement vivantes, elles sont souvent la langue maternelle des populations locales et parfois la seule langue maîtrisée par certains locuteurs. Les langues créoles en sont un exemple frappant : les différents rapports de la délégation générale à la langue française et aux langues de France témoignent de leur vitalité et soulignent que le nombre de locuteurs actifs dépasse les 2 millions. Le créole réunionnais, langue maternelle de plus de 80 % de la population de l'île, est la langue régionale la plus parlée de France.
Je tiens à insister sur le fait que cette PPL ne concerne que les langues d'outre-mer, dont la situation est fort différente de celle des langues régionales de l'Hexagone : dans la grande majorité des cas, ces dernières ne sont pas pratiquées à la maison. En tant que présidente du groupe d'études sur l'illettrisme et l'illectronisme, je connais les chiffres que notre collègue a bien détaillés dans l'exposé des motifs : le taux d'adultes qui, après avoir suivi une scolarité normale dans une école française, se retrouvent en situation d'illettrisme, atteint jusqu'à 30 à 40 % dans les territoires d'outre-mer alors qu'il est inférieur à 10 % dans l'Hexagone.
Lors des auditions, les spécialistes ont été unanimes : l'apprentissage de deux langues le plus tôt possible – dès la maternelle – améliore les résultats des évaluations nationales en français, même en l'absence de biais social. En Polynésie par exemple, les écoles publiques pratiquant l'enseignement bilingue enregistrent de meilleurs résultats. L'apprentissage des langues régionales est donc essentiel pour améliorer les résultats des élèves et pour réduire le décrochage scolaire et l'illettrisme.
Des études montrent les avantages cognitifs du bilinguisme, notamment en matière de mémorisation, de compréhension et de flexibilité cognitive. En dissociant leur langue maternelle du français appris à l'école, les enfants peuvent acquérir une compréhension plus profonde de la diversité linguistique qui les entoure. Cela leur permet de reconnaître que le français est une langue parmi d'autres, et que chacune de celles-ci a sa propre valeur et sa propre utilité dans différentes situations sociales ou culturelles.
Il est donc nécessaire d'accélérer et d'amplifier ce qui existe aujourd'hui à titre expérimental. Je me suis impliquée dans le travail sur ce texte même s'il pouvait paraître superfétatoire aux yeux de certains : la loi, en effet, a été grandement enrichie ces dernières années.
Le souhait de nos collègues du groupe GDR était que tous les établissements d'outre-mer proposent un enseignement des langues régionales tout au long de la scolarité. Lors des auditions, nous avons été alertés d'un risque d'inconstitutionnalité : cet enseignement ne peut en effet être imposé ni aux familles, ni aux enseignants, ni aux établissements ; aussi proposerai-je un amendement de réécriture générale de l'article 1er qui, travaillé avec le rapporteur, vise à ce qu'il soit seulement proposé. Il s'agit de respecter le principe de double égalité établi par notre Constitution mais surtout d'insister sur la priorité donnée aux établissements du premier degré. Cette approche précoce est essentielle pour ancrer ces connaissances et pratiques dans la conscience des élèves dès leur plus jeune âge et éviter l'échec ou le décrochage scolaire.
Le groupe Renaissance votera ce texte, une fois qu'aura été adoptée la réécriture globale de l'article 1er.