Comme l'a souligné M. le président, notre pratique ne consiste pas à réaliser une expertise des trafics, mais plutôt à effectuer une contre-expertise. Cela modifie légèrement notre approche. Pour clarifier, je vais expliquer en deux temps comment les trafics sont généralement prédits et comment nous procédons en particulier.
En général, il y a deux méthodes pour prédire les trafics. La première consiste à comparer avec des infrastructures similaires, mais cette approche a ses limites, car les situations ne sont jamais vraiment comparables. Elle repose souvent sur les bilans Loti, notamment le fameux bilan ex-post établi quelques années après la réalisation du projet, qui offre un retour d'expérience utile.
La deuxième méthode est la modélisation, plus précise et sérieuse. Elle consiste à considérer l'ensemble des usagers potentiels de l'infrastructure et à déterminer, au cas par cas et à l'aide de statistiques, combien vont finalement opter pour le nouvel itinéraire en tenant compte du temps de trajet et du tarif pratiqué.
Dans notre cas, nous procédons en trois étapes. Tout d'abord, nous examinons l'étude détaillée fournie par les soumissionnaires, qui comprend toutes leurs hypothèses méthodologiques. Nous évaluons si le modèle semble sérieux et conforme à l'état de l'art. Ensuite, nous prenons en compte les avis des autres parties prenantes du projet qui produisent également des études. Cela est particulièrement pertinent dans le cadre d'une mise en concurrence pour une nouvelle concession. Enfin, nous analysons les grands agrégats pour vérifier leur crédibilité.
Dans le cas présent, nous avons noté que le trafic prévu à la mise en service reposait sur des hypothèses de taux de capture très élevées, que nous avons jugé nécessaire de corriger. Après avoir examiné une vingtaine d'autres projets comparables, nous avons constaté que leurs taux de capture étaient généralement plus faibles. Par conséquent, nous avons estimé que le trafic à la mise en service était un peu optimiste. Cela ne signifie pas qu'il est impossible, mais simplement moins probable.
De plus, nous avons remarqué que les taux de croissance du trafic prévus dans l'offre nous semblaient très élevés. Bien que je ne puisse pas les commenter en détail en raison du secret des affaires, je peux vous dire que les points 84 et 85 de l'offre sont assez éloquents. En corrigeant ces deux paramètres, nous avons conclu que les recettes prévisionnelles devraient être révisées à la baisse.
Je tiens à préciser que je ne parle ici que du trafic spécifié dans l'offre, et non de celui de l'étude préalable. De mémoire, nos corrections n'ont pas conduit à des trafics plus faibles que ceux de l'étude préalable. En fin de compte, les prévisions de l'ART étaient assez cohérentes avec celles de l'étude préalable, qui a été utilisée pour établir l'opportunité socioéconomique du projet.