Je suis ravi de venir devant votre commission d'enquête et je tiens à souligner l'importance de notre rôle en tant qu'ART dans les problématiques de transport et de concession autoroutière. Notre mission est de veiller au bon fonctionnement du régime de péage. Il ne s'agit pas de nous prononcer sur la pertinence d'un projet et de son impact.
Nous intervenons à trois niveaux, deux niveaux consultatifs et un niveau pour information. Premièrement, nous émettons un avis consultatif sur les nouveaux projets de contrat de concession. Notre rôle est de nous assurer que, sur la durée de la concession, le niveau de péage prévu permet une juste rémunération de l'exploitation, de la maintenance de l'autoroute, de sa construction et du financement du projet, s'agissant des prêts, du remboursement et de la rémunération des actionnaires.
Deuxièmement, nous émettons un avis sur les nouveaux contrats et sur les avenants, notamment lorsque ceux-ci portent sur un investissement nouveau. Il est en revanche important de rappeler qu'un avenant portant sur les niveaux tarifaires n'intervient pas après l'épisode de la mise en concurrence, car celle-ci a pour objet de comparer les offres des soumissionnaires. Nous restons donc vigilants sur cette question des avenants.
Enfin, nous intervenons pour information sur des études que nous menons sur la rentabilité des contrats de concession de manière générale. C'est un travail que nous accomplissons chaque année.
Nous avons eu à considérer, depuis 2016, dix-huit avenants, qui correspondaient à 2 milliards d'euros de péage supplémentaires, pour des raisons d'investissements supplémentaires. Notre travail a permis de diminuer ce montant de 300 millions d'euros en faveur des usagers.
En ce qui concerne les nouvelles concessions conclues après la mise en concurrence, nous avons eu trois occasions seulement de nous prononcer sur des projets nouveaux, dont celui d'aujourd'hui, mais aussi deux autres projets, l'A45 de Lyon à Saint-Étienne, qui n'a pas été réalisée, mais notre avis était préalable, et l'A79, le long de la route Centre-Est atlantique.
Notre travail, dans le cadre de la mise en concurrence, consiste en une vérification, puisque l'attribution par mise en concurrence détermine de manière le niveau que les opérateurs peuvent offrir en termes de rentabilité, donc de péages. Cette vérification s'ajoute à celle que la mise en concurrence initiale a permise.
Nous contrôlons les grands éléments de l'équilibre global. Notre rôle n'est pas de refaire ce qu'on appelle le business plan sur lequel s'est engagée une société avec l'État. Le contrôle porte sur trois données principales, essentielles dans un équilibre contractuel de concession, dont le niveau des recettes attendues et le coût des opérations, en soulignant qu'à chaque fois, le risque est pris entièrement par le concessionnaire. Nous vérifions enfin que la rémunération qu'il souhaite obtenir dans le cadre de cette concession, qui est le point d'équilibre global de ce projet à travers un taux de rentabilité interne (TRI), est conforme ou pas à ce qui est attendu par les marchés, puisqu'une partie importante du financement est apportée par les marchés de financement.
Je répète qu'il n'est pas de la compétence de l'ART de se prononcer sur la pertinence du projet et sur ses impacts, pas plus que nous n'avons à nous prononcer sur la procédure de mise en concurrence, qui relève du juge administratif.
En revanche, l'avis de l'ART, comme régulateur sectoriel, est attendu par le Conseil d'État, avant d'étudier le projet de décret qui lui est soumis.
Quelles sont les principales conclusions de notre avis ? Nous considérons que le concessionnaire porte un nombre non négligeable de risques. Le risque de trafic existe et si les prévisions de trafic ne sont pas réalisées, la responsabilité en incombe entièrement au concessionnaire. De mémoire, aucun avenant n'a jamais été passé pour des niveaux de trafics non atteints.
Le risque lié aux travaux est également porté par le concessionnaire. Les taux de risques intégrés dans les coûts ne se situent pas à un niveau élevé. Il nous est apparu qu'il y avait une prise de risque certaine par le concessionnaire, ce qui est l'objet d'une concession. De fait, le péage attendu par rapport à ce niveau de risque ne nous paraissait pas poser de problème majeur.
Nous avons également émis des recommandations générales, notamment sur les conditions d'indexation des tarifs, sur la durée de la concession et sur les obligations du concessionnaire en fin de concession. Nous estimons que la durée des concessions, souvent de cinquante-cinq ans, est trop longue et devrait être réduite à quinze ou vingt ans. Cela permettrait de mieux maîtriser les risques et de renforcer le rôle du concédant grâce à une revue plus fréquente du projet.
Nous répondrons par écrit, de manière détaillée, à vos questions plus techniques. Je précise que certains éléments sont couverts par le secret des affaires et ne pourront pas être évoqués publiquement. Ces informations seront toutefois remises aux membres de la commission.
Pour répondre à vos questions, madame la rapporteure, l'hypothèse du trafic n'est pas un jugement de valeur. Elle s'entend par rapport à une équation économique globale et une rentabilité attendue. Il nous semble que cette hypothèse justifie la rentabilité attendue par les marchés financiers, de leur point de vue.
La prise de risque est réelle et il me semble légitime qu'elle soit rémunérée. Ce risque doit être porté intégralement par le concessionnaire sur toute la durée de la concession, sans que cela puisse faire l'objet d'une remise en cause ou d'un avenant. Il ne peut pas y avoir d'avenant pour une hypothèse de trafic que la réalité ne confirmerait pas.
Les péages constituent un élément de cadrage important. Feront-ils fuir les usagers ? Je pense qu'ils n'attireront pas suffisamment les poids lourds. Néanmoins, l'avantage et le niveau des péages sont estimés au regard de l'attractivité d'un nouveau projet d'infrastructure par rapport aux infrastructures environnantes. L'attractivité ne se mesure pas de manière absolue selon le niveau de péage, mais aussi sur l'intérêt économique que peuvent y trouver notamment les poids lourds. La rentabilité économique ne se juge pas qu'au péage, mais aussi à la vitesse d'échange, à la facilité, à la sécurité d'un mode par rapport à un autre.
Il a été dit que les investissements étaient surévalués, mais là aussi, comme pour le trafic, le risque revient entièrement au concessionnaire. Une nouvelle fois, je ne pense pas que des avenants aient été émis pour non-respect des coûts. C'est le métier des concessionnaires constructeurs de tenir ces coûts.