Intervention de Karen Erodi

Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKaren Erodi :

L'article 29 fixe la durée de concession de l'A69 à 55 ans et précise que l'État ne pourra reprendre la concession de cette autoroute qu'à deux conditions. La première condition est que le concédant, c'est-à-dire l'État, ne pourra récupérer la concession qu'après 28 ans d'exploitation. La deuxième condition – et c'est là où je trouve que le contrat est bien verrouillé - est qu'il faut que le concessionnaire atteigne 4,68 milliards d'euros de chiffres d'affaires, soit un objectif non atteignable de l'aveu même du concessionnaire. La prévision des recettes annuelles, figurant à l'annexe 18, présente un chiffre d'affaires cumulé de 3,713 milliards d'euros entre 2025 et 2077, soit l'ensemble de la durée de concession. L'avis de l'ART, en date de 2022, indique que la prévision d'Atosca est de 3,7 milliards d'euros et elle la juge optimiste.

Ne pensez-vous pas que le contrat est totalement déséquilibré et que l'intérêt des sociétés privées a finalement supplanté l'intérêt général et celui des usagers ?

L'article L. 1121-1 du code de la commande publique stipule que « la part de risques transférés au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement théorique ou négligeable ». L'ART, certes à demi-mot, a jugé la rallonge de 15 ans de l'exploitation assez douteuse... Les deux déviations sont payées deux fois par le contribuable, ce qui correspond à 75 millions d'euros d'avantages en nature. Il faut y ajouter 12 millions d'euros de cadeaux en TVA, 23,5 millions d'euros de contributions par les collectivités, une future station photovoltaïque – dont il ne figure aucune trace au contrat – qui sera génératrice de revenus supplémentaires pour Atosca, ainsi qu'un cadrage en règle de la durée et des modalités de reprise de la concession par l'État rendant quasiment impossible tout retour de l'A69 à l'État.

L'État a-t-il fait en sorte de supprimer tout risque pour Atosca d'une réelle exposition aux aléas du marché ? L'introduction de telles clauses dans le contrat a-t-elle pour objectif que, quoiqu'il arrive, Atosca en sorte gagnant et engrange des milliards d'euros avec une prise de risques minime, voire inexistante ? Je vous pose la question.

S'agissant de la durée de concession, l'article R. 3114-2 du code de la commande publique stipule que : « Pour tous les contrats de concession d'une durée supérieure à cinq ans, la durée du contrat ne doit pas excéder le temps raisonnablement escompté par le concessionnaire pour qu'il amortisse les investissements réalisés par l'exploitation des ouvrages avec un retour des capitaux investis, compte tenu des investissements nécessaires à l'exécution du contrat ». Selon le tableau d'amortissement, un tableau un peu léger soit dit en passant, Atosca éteindra sa dette en 2046, soit après 24 ans d'exploitation. Il en résulte que, de 2046 à 2077, soit une période de 31 ans bien au-delà de ce que dicte le code de commande publique, Atosca récoltera tous les bénéfices.

Estimez-vous que cette durée de 31 ans supplémentaires est un temps raisonnable, après retour sur investissements ?

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