Intervention de Fabien Balderelli

Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Fabien Balderelli, sous-directeur des financements innovants, de la dévolution et du contrôle des concessions autoroutières au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Je précise d'emblée que toutes les questions que vous avez posées et poserez auront bien évidemment leurs réponses écrites.

Je vais revenir sur le mécanisme selon lequel les tarifs de péage sont fixés, puis sur la façon dont les contrats sont conçus, sur la procédure et la façon ils sont écrits.

Quand une infrastructure autoroutière est réalisée par voie de concession, l'objectif est d'en permettre la réalisation accélérée en recourant à son paiement pour partie par l'usager, de manière à alléger la part du financement reposant sur les concours publics. Ce mécanisme n'est pas récent, puisqu'il est pratiqué en France depuis les années 1950. La première loi introduisant le péage date de 1955. Elle a ensuite été codifiée dans le code de la voirie routière et a permis le développement d'un réseau autoroutier qui, au sortir de la guerre, dans les années 1950 jusqu'au début des années 1960, était indigent par rapport aux réseaux autoroutiers des autres pays européens.

Le réseau autoroutier français a été développé de manière extrêmement rapide, au point que la France compte aujourd'hui un des réseaux autoroutiers les plus performants et offrant une des meilleures qualités de service aux usagers pour tous types de trajets (domicile-travail, loisirs, professionnels, transport de marchandises). Le transport de marchandises par la route, en particulier, aura démontré son caractère indispensable lors de la crise sanitaire de 2020, puisque l'alimentation et le fonctionnement de la nation ont reposé sur ce type particulier de transport.

En réponse à Mme la rapporteure, l'adaptation de la route à la crise climatique passe par son électrification et par le développement des véhicules n'utilisant pas de carburants fossiles. L'électrification de la route et de l'autoroute est l'une des préoccupations majeures du Gouvernement. Depuis 2023, toutes les aires de services du réseau autoroutier comptent des installations de recharge de véhicules électriques. Le ministère travaille à l'élaboration d'un schéma directeur de déploiement d'installations de recharge de véhicules électriques. La décarbonation des transports, enjeu majeur et sujet de société, passe à la fois par la politique de report modal importante mise en œuvre par le ministère et par une politique de décarbonation de la route.

L'autoroute A69 ne déroge pas à ce principe dans la mesure où les aires de repos compteront des installations de recharge de véhicules électriques. L'autoroute sera équipée en technologies de péage en flux libre, qui permettront de réduire son emprise, ce qui participe de la stratégie de zéro artificialisation nette (Zan) des sols, et permet également aux usagers de réaliser des gains de temps et de carburant. On estime l'économie à environ un litre de carburant pour un poids lourd qui ne s'arrête plus à une barrière de péage. La décarbonation et la crise climatique sont des préoccupations constantes du Gouvernement. Elles se déclinent à la fois dans les modes collectifs (les voies ferrées), les nouvelles mobilités et dans les infrastructures routières.

Pour revenir au mode de fonctionnement du péage et à la façon dont sont élaborés les contrats de concession, le recours au péage se justifie pour permettre un développement accéléré des infrastructures par rapport à ce que permettent de faire les ressources publiques. Lorsque le projet est envisagé en phase d'étude, l'administration et les services de l'État réalisent des estimations sur les tarifs des péages et sur les concours publics qui pourraient en être la conséquence. C'est ainsi que, dans le cadre des études préalables à la déclaration d'utilité publique (DUP), a été avancé un montant de subventions d'un peu plus de 200 millions d'euros pour des tarifs de péage, fixés dans les études préalables, de l'ordre de 10 centimes d'euros par kilomètre hors taxe en valeur 2010 et pour les usagers de poids lourds, de 30 centimes d'euros hors taxe par kilomètre en valeur 2010. Ces éléments ont été pris en compte pour calculer la subvention d'équilibre.

Avant de lancer la procédure de mise en concession, le gouvernement s'est assuré que les collectivités qui financent la subvention d'équilibre à hauteur de 50 % étaient en mesure d'apporter ces financements, c'est-à-dire qu'il a été demandé aux collectivités de s'engager sur une centaine de millions d'euros, lesquels correspondaient à l'estimation des concours publics.

Dans la phase d'appel d'offre, les candidats vont élaborer à leur tour des études de trafic et ce faisant, ils peuvent reprendre les études de trafic de l'État ou également en élaborer d'autres. En tout état de cause, ils héritent de la double responsabilité d'élaborer ces éléments et d'établir à la fois les prévisions de trafic et celles des tarifs des péages. Autrement dit, les tarifs des péages estimés par l'État dans le cas des études, puisqu'il faut bien avoir une hypothèse de départ, ne lient pas les candidats. C'est bien à eux qu'il revient de déterminer le couple tarif-trafic pour l'ensemble des classes d'usagers (véhicules légers et poids lourds), comment ils évaluent le trafic et le pouvoir d'achat des usagers, en fonction de leurs hypothèses de développement territorial.

Le tarif couplé au trafic donne une prévision de recettes et j'insiste sur le fait que ladite responsabilité revient à chaque candidat, c'est-à-dire que l'État n'est pas lié par la prévision de recettes du candidat. Cette prévision de recettes va générer des ressources pendant 55 ans, soit l'intégralité de la durée de la concession, ressources qui vont permettre au candidat de rembourser les dépenses qu'il va assurer en début de concession : coûts de développement, de construction, d'entretien, de maintenance et de l'exploitation de l'autoroute pendant la durée concédée.

Si les recettes estimées par le candidat sont insuffisantes pour assurer le financement de l'autoroute, il demande des concours publics, par la voie d'une subvention. Cette subvention est bien la résultante du mécanisme de constitution des offres. D'ailleurs, le montant de la subvention est l'un des critères pris en compte par l'État pour l'attribution de la concession au mieux-disant, c'est-à-dire en prenant en compte le montant de subvention le plus faible et les paramètres suivants : les tarifs de péage les plus bas, la meilleure insertion environnementale et paysagère, ainsi que la qualité du service offert aux usagers. L'ensemble de ces critères va permettre de sélectionner le concessionnaire le mieux-disant, étant entendu que dans l'appel d'offres tel qu'il est structuré classiquement depuis de nombreuses années, le montant le plus faible de subvention est le premier critère, pondéré à hauteur de 30 ou 35 % en fonction des procédures ; en l'occurrence, de 30 % dans le cadre de la procédure de l'autoroute A69.

Donc, un montant de subventions – en l'espèce, initialement, 200 millions d'euros, dans les études préalables – est prévu par l'État. L'objectif est que l'État et les collectivités territoriales puissent bénéficier de ce mécanisme concurrentiel de manière à obtenir l'autoroute au meilleur prix et dans les meilleures conditions pour les usagers, et ce, en prenant en compte l'ensemble des critères de l'appel d'offres. C'est ainsi que le montant de la subvention, tel que proposé par le lauréat, a été établi à peu plus de 23 millions d'euros, à comparer aux plus de 200 millions d'euros qui avaient été estimés par l'État. Les tarifs des péages proposés par Atosca, qui sont donc de sa responsabilité, sont très comparables aux tarifs estimés par l'État dans le cadre des études préalables, puisqu'Atosca avance, en valeur 2020 et pour les usagers de la classe 1, un montant de tarif kilométrique de 10,6 centimes d'euros par kilomètre, soit un montant légèrement inférieur aux 10 centimes d'euros en valeur 2010 envisagés par l'État.

Il est donc possible d'affirmer que le mécanisme concurrentiel a été bénéfique aux collectivités publiques puisque, pour un montant de tarifs de péage équivalent, la subvention d'équilibre est considérablement inférieure à celle envisagée, car elle est dix fois moins élevée, et ce, pour un niveau qualitatif également amélioré en termes d'insertion de l'autoroute dans son environnement et de construction. C'est le débat que nous avions eu le 4 avril en présence d'Atosca.

En effet, le projet du concessionnaire ne prélève plus de matériaux dans son environnement, contrairement à ce qui avait été envisagé par l'État qui prévoyait 1,3 million de mètres cubes d'emprunts de matériaux. Toujours par rapport au projet de l'État, le concessionnaire a réduit l'emprise foncière d'environ 80 hectares, compte tenu des péages en flux libre et des optimisations de tracés, qui lui ont permis d'éviter les emprunts de matériaux.

Le concessionnaire a également amélioré les passages à faune, désormais plus larges que ceux envisagés par l'État. Le projet a également été amélioré sur les aires de repos, en prévoyant des aires de covoiturage au niveau des diffuseurs.

En termes qualitatifs, le projet du concessionnaire est donc meilleur que celui envisagé par l'État. De surcroît, c'est un projet qui coûte moins cher à la collectivité publique, puisque le montant des tarifs de péage est à peu près équivalent et que le montant des subventions est dix fois inférieur à celui envisagé.

Telle est la manière dont les candidats construisent leur offre, autour d'un couple liant tarif des péages et montant d'une subvention publique. J'en reviens maintenant aux tarifs des péages.

L'article 25 de la convention de concession est effectivement assez technique. Le cadre de l'article est préparé par l'État et prévu dans les documents de la consultation, lesquels vous seront envoyés. Vous pourrez ainsi vérifier que l'architecture de l'article 25 est celle envisagée par l'État et se trouve être très conforme à ce qui se pratique depuis quelques années. Le cas échéant, il est adapté aux spécificités du projet, mais aussi aux évolutions de la réglementation.

La dernière évolution d'importance, mise en œuvre à la fin des années 2010, est l'introduction d'un tarif modulé pour les véhicules légers émettant peu de CO2. Au tout début des années 2010, avait été introduite, conformément à la directive Eurovignette, une modulation pour les véhicules lourds en fonction de la classe Euro. Ces évolutions assez importantes ont assurément complexifié le cahier des charges.

Le cadre est établi par l'État et le concessionnaire a la responsabilité de préciser le montant des tarifs pour chacune des classes. Dans le cadre de son couple tarif-trafic, il propose un montant de tarifs. À l'issue de l'appel d'offres, Atosca a proposé un montant de 10,6 centimes d'euros hors taxe par kilomètre et pour la classe 4, essentiellement les véhicules lourds, de 35 centimes d'euros par kilomètre hors taxe.

Les candidats vont également proposer la pondération des différents index et indices permettant l'évaluation des tarifs de péage avec deux phases différentes. La première phase consiste en la réévaluation des tarifs de péage au moment de la mise en service de l'autoroute, la seconde phase consiste en une réévaluation des tarifs de péage au 1er février de chaque année.

Il existe deux formules différentes pour l'évolution des tarifs de péage. La première formule, au moment de la mise en service, prend en compte un nombre d'index un peu plus important : le TP01, le TP02, le TP03, le TP09 et le TP13.

Ces différents index doivent être représentatifs de la répartition des coûts du concessionnaire pendant la phase de construction. Postérieurement à la mise en service, on retrouve l'indice des prêts à la consommation (IPC), mais également une faible fraction de TP01 et de TP09, qui sont des index représentatifs des coûts de travaux publics. Le TP01 est l'index général et le TP09 est l'index représentatif des coûts de chaussée.

Le cahier des charges impose que la somme des coefficients soit inférieure à 1, de manière à ce que la phase de réévaluation ne conduise pas à une inflation excessive par rapport à une évolution de panier d'index. Pour l'évolution annuelle, à compter de la mise en service, il est également demandé que les index TP01 et TP09 ne représentent pas plus de 25 % de l'évolution, de manière à éviter que les paramètres d'index soient représentatifs des coûts du concessionnaire, comme les coûts d'entretien et des réparations, lesquels sont moins importants que les coûts supportés pour la réalisation de l'autoroute

Pourquoi fait-on évoluer les tarifs de péage au fil du temps ?

L'objectif est de permettre d'avoir une répartition homogène, sur l'ensemble de la durée de la concession, de l'effort demandé aux usagers. Comme il est souhaitable de réduire l'apport des collectivités publiques pour la réalisation de l'infrastructure, les usagers doivent assumer son coût. Mais l'idée est qu'ils puissent le faire de manière équitable au cours du temps. Autrement dit, si les tarifs de péage restaient fixes au cours du temps et en valeur courante, l'usager de demain, qui voit son niveau de vie amélioré en raison de l'évolution du pouvoir d'achat, paierait proportionnellement un coût moindre par rapport à l'usager d'aujourd'hui. Il convient donc d'avoir une répartition homogène de l'effort au cours du temps et de faire en sorte que l'usage de l'infrastructure corresponde à une demande stable en valeur constante.

Telles sont les modalités d'élaboration des tarifs. Les candidats ne remplissent rien d'autre dans cet appel d'offres. L'ensemble des autres règles prévues, notamment les règles de modulation, sont fixées par le ministère dans le cadre de l'appel d'offres.

En réponse aux questions de Mme la rapporteure sur ces différents éléments de modulation, je rappellerai à nouveau que le tarif de référence indiqué au contrat est réévalué à la mise en service, puis au cours du temps. Il s'agit d'un tarif plafond. Le concessionnaire peut toujours appliquer un tarif inférieur à ce tarif plafond. Ce que va contrôler l'État, à la mise en service et au cours du temps, est uniquement le fait que les tarifs proposés par le concessionnaire ne dépassent pas ce tarif plafond.

Il existe des exemples, à l'instar de ceux de l'autoroute A65 ou de l'autoroute A19, où les concessionnaires ne proposent pas des tarifs qui atteignent le plafond, mais des tarifs inférieurs à celui-ci. On peut imaginer que des tarifs trop élevés aboutissent, au bout d'un certain temps, à une diminution de trafic. Il est de la responsabilité des concessionnaires de s'assurer que le tarif est supportable par l'usager. C'est pourquoi celui-ci proposera un tarif qui est forcément inférieur au plafond et il revient à l'État de vérifier cet élément.

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