Intervention de Christine Arrighi

Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Arrighi, rapporteure de la commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute A69 :

Je vous remercie de revenir devant notre commission d'enquête ; je vous avais prévenu que vous alliez en être des habitués, puisque ce ne sera pas votre dernière audition, ce qui n'a rien de surprenant, dans la mesure où la sous-direction des financements innovants, de la dévolution et du contrôle des concessions autoroutières, que vous représentez, est la rédactrice des annexes à la convention de concession et qu'elle a négocié les articles de celle-ci.

Aujourd'hui, c'est l'article 25 qui nous intéressera plus particulièrement en ce qu'il porte sur les tarifs des péages, soit neuf pages, avec de nombreuses équations que j'ai pris soin d'analyser avant d'en comprendre la logique. Comme vient de le dire notre président, nous espérons que cette audition apportera de la clarté et qu'elle répondra précisément à une question simple. Si l'autoroute A69 était mise en service maintenant ou dans quelques mois, quels tarifs acquitteront les différentes catégories d'usagers se déplaçant, pour raisons personnelles ou professionnelles, les détenteurs de véhicules thermiques ou électriques, les conducteurs de poids lourds ou encore de véhicules de transport collectif ?

Vous nous avez donné quelques exemples, pour des autoroutes qui figurent parmi les plus chères de France. Nous savons en outre que l'autoroute qui relie Pau à Langon est complètement déficitaire. On peut imaginer que les autres exemples que vous avez choisis correspondent à ce type de profil.

La question évidemment n'est pas anodine. L'A69 sera financée principalement par les usagers et non par la solidarité nationale, contrairement au projet longtemps envisagé de doublement de la RN126. Pour autant, plusieurs collectivités publiques – l'État, les intercommunalités, la région Occitanie, les départements de Haute-Garonne et du Tarn – apportent un concours public plus faible que celui prévu, mais nous en reparlerons avec l'examen des conditions financières de ce contrat. En effet, il était envisagé qu'elles accordent 220 millions d'euros et, en définitive, leur contribution n'est plus que de 23 millions d'euros, mais avec l'intégration d'une infrastructure financée par la solidarité nationale à hauteur de 75 millions d'euros, que nous ne retrouvons pas dans l'équilibre financier. Ce concours public doit permettre de rendre cette infrastructure accessible au plus grand nombre de nos concitoyens.

La question de son acceptabilité sociale est donc cruciale. Je rappelle que le salaire annuel médian dans le Tarn est de 29 400 euros par an, soit 2 450 euros par mois et 16,15 euros par heure, contre 36 000 euros par an et 19,78 euros par heure en Haute-Garonne. Ces chiffres seront à mettre au regard d'un aller-retour Toulouse-Castres, que ce soit en voiture particulière, en véhicule utilitaire léger et en poids lourds, sachant que l'article 25, s'agissant des poids lourds, ne nous offre guère de visibilité à ce stade.

Par conséquent, emprunter cette autoroute coûtera relativement cher à la majorité de nos concitoyens. Un trajet aller-retour représentera quasiment une heure de travail pour la majorité des usagers. Je ne sais pas si vous l'avez en tête, mais je pense que ceux qui acquitteront ce montant, demain, en verront les conséquences dans leur porte-monnaie. Ce tarif est acceptable pour un usage sporadique, mais beaucoup moins pour les agriculteurs et les artisans qui seraient tentés de l'emprunter régulièrement ou, pour certains salariés qui, habitant de plus en plus loin de la métropole pour vivre dans des communes où l'immobilier et le foncier sont moins onéreux, se retrouveront avec une charge financière qu'ils n'assumaient pas aujourd'hui en empruntant la route nationale gratuite.

Derrière cette acceptation sociale, c'est l'ensemble de l'équilibre financier qui est en jeu, car s'il s'avère que le trafic de l'autoroute n'est pas conforme aux prévisions, le tableau des recettes s'en trouvera erroné. Qui devra alors acquitter la facture ? Les actionnaires accompliront-ils leur devoir ainsi que l'exige le droit, ou se retourneront-ils vers l'État et les collectivités territoriales, selon ce mécanisme éprouvé de privatisation des profits et de socialisation des pertes, pour éponger le déficit, et à quel moment ? En d'autres termes, les Haut-Garonnais et les Tarnais paieront-ils à la fois en tant qu'usagers et contribuables ? C'est là tout l'enjeu de notre débat.

Par ailleurs, il convient d'ores et déjà de noter qu'après l'ouverture de l'autoroute, la route nationale deviendra une route départementale à la charge des seuls contribuables tarnais. Par conséquent, de nombreux camions risquent d'emprunter la route départementale, qui sera donc d'autant plus dégradée et pèsera sur les seuls contribuables tarnais.

Je vous ai adressé un questionnaire qui, en vertu de ma volonté de transparence au sein de cette commission, a été transmis à l'ensemble de mes collègues afin qu'ils aient tous le même niveau d'information, s'agissant du sens que je souhaite donner à cette audition. Je souhaiterais vivement, si vous ne répondez pas précisément ou intégralement à toutes ces questions, recevoir vos réponses écrites dans les meilleurs délais.

Parmi les questions essentielles, figurent les principes retenus pour la tarification des péages, le fait de savoir si le mécanisme de tarification est commun à d'autres conventions autoroutières ou s'il est spécifique à l'A69, les estimations de tarifs à court terme et leur niveau dans les prochaines années si l'inflation s'établissait annuellement à 1,5 %, la confirmation que le tarif plafond ne peut jamais diminuer pendant 24 ans et, enfin, la confirmation que la première revalorisation des tarifs interviendra dès 2026, soit moins d'un an après la mise en service de l'autoroute.

Par ailleurs, je souhaiterais avoir un échange précis sur votre réponse écrite récente à mes demandes réitérées quant aux études réalisées à l'appui de la décision de recourir à une concession autoroutière, prise à l'époque par M. Dominique Perben. En effet, vous m'indiquez n'avoir retrouvé aucune étude, ni sur le doublement de la RN126, ni sur la modernisation de la ligne ferroviaire, ce qui laisserait entendre que cette décision a été prise par l'État sans qu'il ne dispose d'aucun élément de comparaison ou d'éléments alternatifs au recours à la concession. Je vous remercie par avance de me le confirmer.

Enfin et au vu des auditions précédentes, je souhaiterais également revenir sur le calcul de la valeur actualisée nette socioéconomique, qui est passée de 508 à 98 millions d'euros, à la suite de la contre-expertise du Commissariat général à l'investissement (CGI), puis à 788 millions d'euros dans un document qui vous a été adressé par Atosca ; et ce, sans qu'il n'y ait eu aucune contre-expertise supplémentaire entre le moment où ces éléments vous ont été communiqués, sans intégrer les 75 millions d'euros d'apports en nature de la route nationale entre Soual et Puylaurens et sans qu'il y ait eu de contre-expertise alors même qu'on dépasse les 100 millions d'euros d'apport au titre des contributions publiques.

Je souhaite donc avoir des réponses extrêmement précises à mes interrogations mentionnées dans le questionnaire et aux questions que je viens d'ajouter, en particulier sur la valeur actualisée nette socioéconomique.

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