Je me contenterai simplement de répéter ce que je disais tout à l'heure : les questions restent ouvertes. Différents scénarios sont envisageables. Soit nous parvenons à construire une gouvernance globale de l'intelligence artificielle qui pourrait être abritée par des instances multilatérales existantes ou ad hoc. Cette coopération globale est appelée par certains États mais, dans les faits, la communauté internationale demeure très tâtonnante, compte tenu des intérêts diplomatiques et géostratégiques divergents, quoi que l'on en dise. L'autre possibilité est celle d'une régionalisation, d'une balkanisation.
En matière de régulation globale et internationale, l'un des enjeux porte sur les usages techniques de ces outils. À ce sujet, on observe un léger retard enregistré par la Chine par rapport aux États-Unis sur la question de l'IA générative. Aujourd'hui, les modèles des IA génératives – le pluriel étant de rigueur – sont d'abord et avant tout américains. Dans ces conditions, n'allons-nous pas aboutir finalement à un système international à double vitesse marqué par un découplage croissant, pour parvenir à des systèmes qui cohabitent plus qu'ils ne dialoguent, ou alors à la marge ? Je n'ai toujours pas la réponse à cette question.
Ensuite, le mouvement des BRICS doit être suivi de très près. Lors de leur réunion de l'été 2023 à Johannesburg, ceux-ci ont ainsi établi leur groupe d'étude sur l'intelligence artificielle, qui comporte un très grand volet en matière d'éducation. À ce titre, il me semble à nouveau nécessaire d'accorder une attention particulière à l'Afrique, pour une raison très simple : si l'on parle d'Europe puissance ou de France puissance, il sera nécessaire de redéfinir la morphologie de notre relation à l'Afrique, compte tenu de notre destin commun autour de la question technologique.
J'ai travaillé sur un certain nombre de projets, notamment technologiques, en Afrique et je constate que très peu d'acteurs français se positionnent sur les appels d'offres concernant les villes intelligentes et les infrastructures. Le discours sur la commande publique est certes nécessaire mais insuffisant : si nous n'allons pas aussi chercher nos marchés là-bas, nous passerons à côté d'une bataille industrielle et de soft power.