Je reviens à mes propos liminaires : les exemples américains et chinois montrent bien qu'il n'y a pas de développements technologiques importants endogènes sans l'intervention massive de l'État. Mais aujourd'hui, l'Europe et la France ne sont pas du tout dans cette optique, à part quelques petites enclaves, par exemple la direction générale de l'armement (DGA) pour notre pays. L'Europe se concentre sur la régulation et l'accompagnement des entreprises, sans intervention. D'une certaine manière, nous pensons qu'il faut laisser éclore le génie de chacun et que, miraculeusement, peut-être par les lois magiques du marché, nous parviendrons à une situation optimale.
Ce pari peut se défendre mais, pour l'heure, les grands modèles qui ont fonctionné, aux États-Unis ou en Chine, se sont appuyés sur une économie planifiée. J'insiste vraiment : cessons de croire le mythe des États-Unis libéraux, qui fonctionne certes très bien en termes de propagande internationale : dans les faits, il s'agit d'une économie planifiée, selon des modalités qui ont certes évolué au fil du temps.
Si le but de la France et de l'Europe consiste à développer une capacité endogène majeure à même de faire de nous des leaders en matière de technologies numériques, de façon indépendante des acteurs états-uniens ou chinois, j'ai le regret de constater que nous faisons fausse route pour le moment. Nous nous trompons. Si nous voulons nous diriger dans une autre direction, il faut dans ce cas indiquer laquelle nous voulons suivre.