La maîtrise de ces nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle en particulier constitue un élément de la capacité d'influence dans les prochaines décennies, que ce soit en termes de soft power et même en termes de hard power, puisque vous évoquez également les déclinaisons militaires et technologiques.
Il est d'ailleurs très paradoxal que tous ces sujets sur les technologies de pointe et sur l'intelligence artificielle prennent autant de place au moment où les relations internationales marquent plutôt un grand pas en arrière vers la conflictualité, les rapports de force, la guerre à haute intensité « à l'ancienne » et son cortège de destructions, de barbaries, d'obus ou de tranchées, même si les drones et le guidage intelligent des obus et missiles tiennent une large place.
Un rapport a récemment été remis au président de la République par la commission de l'intelligence artificielle, coprésidée par Anne Bouverot, présidente du conseil d'administration de l'École normale supérieure, et par l'économiste Philippe Aghion. Je vous ai sentis en partie réservés sur la tonalité raisonnablement optimiste de ces travaux dans la capacité de la France à figurer à la pointe de cette révolution technologique.
En conséquence, sur ce sujet comme sur bien d'autres, je pense qu'il convient de nous départir d'une certaine naïveté, naïveté dont s'encombrent plus rarement nos partenaires anglo-saxons et plus encore chinois. Nous l'avons vu ces derniers jours avec la visite d'État du président chinois en France ; il est encore difficile de considérer ce géant comme un partenaire. Nous l'envisageons plutôt comme un concurrent, un « rival systémique », tel que le Parlement européen l'avait qualifié, en 2019. De fait, ne pensez-vous pas qu'en matière d'intelligence artificielle également, l'enjeu de long terme n'est pas tant le leadership économique que la défense du modèle démocratique, libéral et le respect des libertés fondamentales et des droits de l'Homme ?