Pour ma part, j'estime que notre stratégie de régulation européenne à travers la loi sur l'intelligence artificielle n'est pas aboutie. L' AI Act présente l'avantage de redéfinir et réaffirmer nos valeurs fondées sur les droits fondamentaux, les droits de l'Homme. J'y souscris d'autant plus qu'il était nécessaire de préempter la régulation internationale, dans l'idée d'insuffler un « Brussels effect ».
Il n'en demeure pas moins que le texte est assez corseté, avec une architecture qui peut être rapidement lourde et bureaucratique. Nous rejoignons ici le dilemme éternel : l'innovation versus la régulation, que nous ne parvenons pas exactement à résoudre en Europe. L'approche chinoise est davantage itérative, tout en plaçant en son cœur un enjeu de sécurité nationale et surtout de contrôle social domestique, qui pose d'ailleurs d'immenses questions sur la possibilité qu'aura la Chine de développer ses propres systèmes d'intelligence artificielle. En effet, plus vous enfermez, plus vous freinez votre propre développement technologique.
De leur côté, les États-Unis ont davantage procédé par des guidelines, des grandes consignes à destination des agences fédérales, en mêlant la question de la sécurité nationale à celle du développement économique et industriel, puisque la capacité d'innovation constitue aussi un instrument de puissance. Cet élément sous-tend d'ailleurs aujourd'hui notre discours et notre stratégie de réindustrialisation.
S'agissant de la France, je le redis : notre système d'innovation national est illisible, en dépit de la multiplication de strates, de rapports et de dotations supplémentaires. Nous ne sommes pas, aujourd'hui, un grand pays technologique. Plutôt que d'être des suiveurs des États-Unis et de la Chine, il faut commencer par faire une cartographie de la France, de nos forces et faiblesses. Proclamer que l'on veut développer l'intelligence artificielle ne veut rien dire d'un point de vue économique et industriel. Nous devons cerner où sont nos avantages compétitifs.