…qui génère toutefois, en moyenne, des revenus d'activité relativement faibles. Or un ensemble de taxes appliquées sur les droits de mutation embolise, en quelque sorte, la transmission correcte des exploitations, en particulier de celles détenues par des cédants dont nous savons – plusieurs d'entre vous l'ont déjà souligné – que 50 % d'entre eux cesseront leur activité d'ici à dix ans ; dont 45 % dès 2026.
Comme je l'ai déjà évoqué, la France possède le deuxième taux marginal d'imposition le plus élevé d'Europe en matière de droits de mutation à titre gratuit, le quatrième taux marginal d'imposition le plus élevé en matière de droits de mutation à titre onéreux et le cinquième taux d'imposition le plus élevé d'Europe sur les plus-values immobilières. S'ajoute à cela le fait que nous sommes l'un des quatre pays européens à appliquer un impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui pèse uniquement sur le foncier agricole.
Permettez-moi d'ajouter quelques remarques concernant ce panorama des taxes afférentes aux droits de mutation : on parle généralement de taux marginal. Toutefois, celui-ci s'applique à la tranche la plus élevée des valeurs retenues, contrairement au taux moyen qui est la part que représente l'impôt dans les revenus. Cela a toute son importance puisque, comme je l'expliquais tout à l'heure, les revenus issus de terres agricoles ou de fermages sont relativement faibles.
Ensuite, la particularité des impôts et taxes appliqués en France, c'est qu'ils sont cumulatifs ; ce qui n'est pas le cas dans les autres pays européens, dont certains limitent l'effet de la fiscalité des droits de mutation en appliquant seulement l'un ou l'autre de ces impôts ou taxes.
Enfin, ils sont indépendants des revenus.
Par ailleurs, la taxation a augmenté par quatre biais au fil du temps. Premièrement, le taux des taxes sur les terres agricoles et leur revenu s'est accru. Deuxièmement, les valeurs locatives cadastrales ont été revalorisées. Troisièmement, de nouveaux impôts taxant le foncier ou ses revenus ont été créés, et les taux de plusieurs d'entre eux ont progressé. Quatrièmement, les barèmes de plusieurs impôts, notamment ceux des droits de mutation à titre gratuit, l'IFI et, dans une moindre mesure, l'impôt sur le revenu, ont été gelés depuis 2012, ce qui a augmenté la taxation des terres agricoles, du fait de l'absence d'ajustement des différentes tranches en fonction de l'inflation.
Permettez-moi de vous citer, à titre d'exemple, des variations et créations de taxes qui ont compliqué la fiscalité des terres agricoles : le taux de taxation des plus-values immobilières a augmenté en 2005, 2009, 2011, 2012, 2013 et 2017 ; les droits de mutation à titre onéreux ont augmenté en 2006 et 2014 ; l'impôt sur le revenu a été réévalué en 2010, 2012 et 2014 ; la contribution sociale généralisée (CSG), créée en 1991, a augmenté en 1993, 1997, 1998, 2005 et 2017 ; la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) a été créée en 1996, les prélèvements sociaux en 1998, et ainsi de suite.
Nous l'avons vu, la France se caractérise par la faiblesse des revenus d'activité agricole et des loyers de fermage, alors que les terres agricoles et leur revenu sont fortement taxés. En outre, une part importante de ces taxes sont indépendantes du revenu foncier, ce qui conduit à une rentabilité après impôts qui tend à être nulle ou négative – un revenu bas taxé par des impôts indépendants du revenu entraîne un revenu net après impôt faible, voire un rendement négatif en euros constants.
Les taxes qui portent sur la valeur des terres agricoles et non sur le revenu incitent, en conséquence, davantage à leur urbanisation ou à leur vente. Ainsi, les propriétaires, pour différentes raisons, cherchent à valoriser leurs biens, soit en répondant à l'appétit d'investisseurs, qui aujourd'hui sont prêts à proposer des prix élevés pour le foncier, soit, là où cela est possible, dans les périphéries urbaines, en répondant au souhait d'urbanisation – la demande de terrains à urbaniser permet aux propriétaires de dégager une valorisation supérieure et leur offre la possibilité, le cas échéant, d'allotir de manière équitable une répartition de transmission de patrimoine. Cela contribue à la dérégulation et à la hausse du prix du foncier agricole.