Un accord a été bouclé sur un nouveau paquet de sanctions, qui devrait être publié avant le commencement du Conseil européen à Prague. Le travail relatif aux sanctions mené par les différentes institutions de l'Union continue d'avoir un impact significatif sur l'économie russe. Ces sanctions visent non seulement à réduire notre dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, mais aussi à diminuer les capacités industrielles et revenus énergétiques de ce pays.
Pour donner quelques données chiffrées, le PIB russe de l'année 2022 est en diminution de 11 % et continuera de chuter en 2023. De fait, à la fin de l'année 2022, l'Union européenne aura exclu les importations du pétrole russe à hauteur de 90 %, tout en sachant que l'industrie pétrolière est déjà en grande difficultés parce que les opérateurs étrangers ne lui allouent plus les technologies qui sont nécessaires à son bon fonctionnement.
Les sanctions sur les semi-conducteurs, sur l'acier et sur les produits intermédiaires ont aussi eu un impact très significatif. De même, de nombreuses compagnies occidentales et de nombreuses personnes hautement qualifiées ont quitté la Russie et son marché.
L'Union européenne et ses Etats membres ont aussi très rapidement condamné les référendums qui ont eu lieu en Ukraine, en soulignant qu'ils n'accepteront jamais les résultats de ces référendums.
Le paquet de sanctions adopté ce matin couvre un nombre de secteurs significatif. L'un de ses éléments principaux est l'adoption d'un plafond sur les prix du pétrole exporté vers les pays tiers. Une autre mesure concerne l'interdiction pour les ressortissants européens de siéger au sein des organes directeurs des entreprises d'État russes. Le paquet comporte également une extension de « l'export-ban » sur de nouveaux produits, notamment dans le secteur de la défense et de la sécurité, tandis que « l'import-ban » a été élargi à de nouveaux produits, notamment tous ceux issus de la production d'acier russe. Pour la première fois, le paquet de sanctions prévoit une norme qui permet de cibler les personnes et entités concernées par ces sanctions se trouvant dans un État tiers pour éviter ces sanctions. Cette dernière mesure permet de porter le total de personnes et entités visées par ces sanctions à 1 400.
L'Union européenne cherche à poursuivre trois objectifs dans son action : soutenir l'Ukraine au niveau politique, économique et financier, poursuivre les sanctions envers la Russie et, enfin, isoler la Russie sur la scène internationale. À ce jour, le montant total des aides apportées par l'Union européenne vers l'Ukraine s'élève à 19 milliards d'euros, sans compter les aides dans le secteur militaire versées bilatéralement par les Etats membres, ni le soutien aux réfugiés ukrainiens arrivés en Europe. Pour ce qui est de l'assistance militaire, nous avons utilisé, pour la première fois, la Facilité européenne pour la paix afin de rembourser les États membres qui avaient soutenu militairement l'Ukraine. La dimension politique de cette action est intéressante puisque l'Union européenne a pris en charge collectivement l'assistance militaire vers l'Ukraine, dans une phase difficile, au début de la crise, lorsque l'OTAN s'était retiré de l'Ukraine. Nous travaillons actuellement sur une sixième « tranche » de la Facilité européenne pour la paix, qui amènerait l'effort financier général à hauteur de trois milliards d'euros. L'enjeu est significatif car l'aide vers l'Ukraine représente la moitié des provisions financières de la facilité pour la paix pour les 7 années du cycle budgétaire. Ainsi, il convient de mener une réflexion au sein des États membres sur le bien-fondé d'octroyer des fonds supplémentaires à cette facilité si l'on veut continuer de couvrir les autres opérations de paix que nous menons en Afrique et dans le reste du monde et d'envoyer un message clair à ces États.
Nous sommes également en train de travailler sur une mission de formation militaire : elle comporterait un pilier de formation générale pour l'armée qui concernerait 15 000 personnes et un autre pilier plus spécialisé. On espère pouvoir atteindre un accord sur cette question pour le prochain Conseil des affaires étrangères.
La lutte contre l'impunité est également un élément central de notre stratégie car il ne peut y avoir de paix durable sans justice mais aussi car il faut déterminer la responsabilité de la Russie et de son gouvernement. L'Ukraine souhaiterait avoir un tribunal spécial, ce qui est compliqué d'un point de vue juridique. Nous nous orientons ainsi davantage vers un tribunal mixte avec un tribunal ukrainien intégrant une composante internationale significative. Ce dispositif serait en marge du travail d'instruction réalisé actuellement au sein de la Cour pénale internationale, qui ne s'occupe pas des responsabilités politiques, contrairement au tribunal mixte envisagé.
La reconstruction est également scindée en deux piliers, puisqu'il convient de distinguer la reconstruction immédiate, avec un certain nombre d'édifices à reconstruire, de la reconstruction du pays une fois qu'une situation de paix et de stabilité sera atteinte. Une conférence est d'ailleurs prévue à Berlin le 25 octobre 2022, pour déterminer la structure de gouvernance de la reconstruction, dans laquelle l'Union européenne veut jouer un rôle et à laquelle il faudrait associer les autres pays du G7, les institutions financières internationales et le secteur privé.
Un aspect qu'il convient de souligner est l'impact de cette guerre sur les pays tiers, car l'isolement international de la Russie passe par une politique plus active vis-à-vis de ces derniers. Le narratif du conflit utilisé par le gouvernement russe reprend l'idée qu'il s'agit d'une guerre de « l'Ouest contre la Russie » ou encore des « opprimés contre l'Occident ». Nous avons réussi à ce que deux résolutions de l'Organisation des Nations Unies s'opposent à cette narration. Nous souhaitions en faire adopter une troisième par le Conseil de sécurité mais la Russie a opposé son droit de véto : l'objectif est désormais de faire voter cette résolution lors de l'assemblée générale de l'ONU le 10 octobre prochain. Il est nécessaire de maintenir une coalition forte des pays qui expriment leur opposition à l'attitude russe. En ce sens, le débat au sein du Conseil de sécurité lors de l'Assemblée générale a démontré une grande unité contre la menace russe d'utiliser l'arme nucléaire, puisque de nombreux Etats ont affirmé leur opposition, y compris la Chine et l'Inde. De surcroît, de nombreux États du Sud sont soucieux des conséquences de cette guerre, sur la sécurité alimentaire notamment : il convient donc de se demander quelles mesures adopter pour réduire cet impact.
Enfin, nous avons octroyé le statut de candidat à l'Ukraine. Le processus d'adhésion est entamé et doit s'étendre sur plusieurs années, afin de s'assurer que ce pays engage un processus de réformes, notamment concernant l'État de droit et la diminution de la corruption. Le statut de candidat a créé une dynamique positive pour mener ces réformes à bien, comme l'illustre la nomination d'un nouveau chef du bureau du procureur spécial chargé de la lutte contre la corruption ou de nouveaux membres du conseil judiciaire.
Dans ce contexte, aura lieu demain à Prague la première réunion de la Communauté politique européenne. Les chefs d'État et de gouvernement des pays membres et non membres y débattront de problèmes communs, notamment concernant la sécurité, la paix du continent ou l'énergie.