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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie

Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé :

Je suis depuis longtemps favorable à l'adoption d'une loi pour une aide active à mourir, mais je ne suis pas une militante de cette cause. Il s'agit d'entendre l'aspiration de nos concitoyens à rester maîtres de leur vie jusqu'au bout, alors même que ce droit ou cette liberté ne retranche rien à personne. Il s'agit d'ouvrir un droit ou une liberté, mais pas d'imposer une obligation. Cette démarche a une vertu apaisante.

J'ai vu l'évolution de notre société, et l'évolution des aspirations. Une majorité de Français considère que la société n'a pas à lui dire comment vivre et comment mourir, mais qu'elle doit l'aider à le faire du mieux possible. En ce sens, l'aide à mourir est bien l'expression d'une fraternité et d'une solidarité. Je n'oppose pas les soins palliatifs et le droit à bénéficier d'une aide à mourir.

Ce projet de loi ouvre bien un nouveau droit ou une nouvelle liberté. C'est pour cela qu'il marque une avancée réelle. Si ce n'était pas le cas, il ne serait pas utile de légiférer. Les termes « aide à mourir » renvoient à une assistance au suicide, qui peut aller jusqu'à une forme d'euthanasie. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté dans le lien entre la volonté exprimée par la personne et le processus qui s'enclenche. Je ne préconise pas de revenir sur les termes, mais je souhaite que le débat parlementaire permette d'éclairer la portée effective des mots employés. Il faut que les Français sachent ce qui leur sera possible de demander ou non.

Si la loi ouvre un nouveau droit, elle doit poser le cadre de référence dans lequel il s'exercera, et elle doit garantir que seule la volonté du malade est entendue. Je regrette la disparition des directives anticipées, parce qu'elles permettent une pédagogie de la réflexion pour le malade. Je suis sensible à un point qui a été soulevé, selon lequel un patient ne pourrait plus bénéficier d'une aide à mourir parce qu'il n'est plus en mesure d'exprimer à nouveau sa volonté du fait de l'évolution de sa maladie. Les directives anticipées pourraient être un moyen de contourner cette difficulté.

En revanche, il ne faut pas attendre de la loi qu'elle règle « comme du papier à musique » l'ensemble des questions concrètes et des questions éthiques. Elle fixe un cadre principiel, mais la singularité de chaque cas doit renvoyer à ce que le Conseil d'État appelle la sagesse pratique. Celle-ci se construit dans le dialogue du malade avec son environnement, son entourage, le médecin. Ce dialogue singulier doit permettre d'apprécier les situations au cas par cas. J'avoue ma perplexité devant la précision qui est introduite et qui veut que seuls pourraient bénéficier de l'aide à mourir ceux dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme.

Je reste personnellement très marquée par l'affaire Vincent Lambert, dont personne n'est sorti indemne. Je ne crois pas du tout que la loi que vous allez voter lui sera applicable, mais à chaque fois que l'on écrit quelque chose dans la loi, il faut se demander si l'on pourra éviter une judiciarisation inutile.

Ce projet de loi constitue une avancée notable. Il vous appartient d'en faire une grande loi.

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