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Intervention de Martine Lombard

Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie

Martine Lombard, professeure émérite de droit public à l'Université Paris-Panthéon-Assas :

La question de l'applicabilité concrète des lois m'a toujours paru essentielle. Lorsqu'une loi crée un droit, mais que celui-ci se révèle inapplicable, inaccessible ou inégalement accessible, le risque est de saper la confiance des Français en la loi, voire en la démocratie. Sur la question de la fin de vie, trop de lois ont déçu les promesses qu'elles apportaient.

L'enjeu est d'adopter une loi concrètement applicable, qui dépénalisera ce qui est interdit. Cette dépénalisation doit dépendre de « conditions », terme utilisé par les juristes auquel d'autres préfèrent celui de « verrous ».

Le mot « euthanasie » revêt deux sens très différents. Il peut désigner un assassinat, mais aussi l'aide apportée à un malade souhaitant mourir. L'expression « aide à mourir » présente l'avantage d'éviter la dualité polysémique du mot « euthanasie ».

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pose cinq conditions. La première condition exclut les mineurs.

La deuxième porte sur le fait d'être français ou résident régulier français. J'espère que la Belgique, le Luxembourg et la Suisse ne vont pas s'en inspirer.

La condition essentielle est qu'il doit y avoir une demande, formulée librement et en connaissance de cause par le malade. Cela veut dire notamment que le médecin doit informer le malade de ce que pourraient lui apporter les soins palliatifs.

Une autre condition est que le malade subisse des souffrances réfractaires ou insupportables, dont certains continuent à nier l'existence même, alors que le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et l'Académie des sciences ont reconnu leur existence.

La dernière condition est que le malade soit atteint d'une maladie grave et incurable. La CEDH n'a nullement ajouté une condition de pronostic vital engagé à court ou moyen terme.

Une solution consisterait à définir ce « moyen terme » au cas par cas, mais je crains que cela consiste à revenir à la situation actuelle dans laquelle il vaut mieux avoir un bon réseau parmi les médecins pour trouver un espoir concret d'échapper aux souffrances. Une approche plus objective consiste à confier à la Haute Autorité de santé (HAS) de dire ce qu'est le moyen terme, mais pourquoi lui reviendrait-il de définir ce que sera la portée concrète de la loi ?

Cette condition s'inspire du modèle de l'Oregon, que seules l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont imité. Si le Parlement devait faire ce choix, la France s'écarterait radicalement des valeurs européennes.

D'autres sujets pourraient être évoqués, comme les modalités de l'aide à mourir, les directives anticipées, ou l'anomalie consistant à donner compétence au juge administratif pour connaître dans tous les cas des recours contre les décisions des médecins qui estimeraient que le malade n'est pas assez malade pour bénéficier d'une aide à mourir.

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