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Intervention de Dr Éric Kariger

Réunion du mardi 23 avril 2024 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie

Dr Éric Kariger, président de la commission médicale et soins du Syndicat national des établissements, résidences et services d'aide à domicile privés pour personnes âgées :

Le secteur de la gériatrie et le monde médico-social souscrit, dans son ensemble, à la volonté affichée par le titre Ier du projet de loi, consistant à renforcer les soins palliatifs et d'accompagnement. Prendre soin de la personne, dans sa dimension physique, psychique, sociale et spirituelle, correspond à l'approche globale de la philosophie palliative, du cure et du care. Cependant, il convient de remarquer que les attentes des nouvelles générations sont probablement différentes de celles des générations très âgées que nous accompagnons aujourd'hui. Nous pouvons désormais mourir directement de la maladie d'Alzheimer, ce qui n'était pas le cas auparavant, parce que nous savons soigner l'insuffisance cardiaque ou rénale, l'infection, la dénutrition, la déshydratation, etc. Dès lors, il revient au législateur d'anticiper les attentes, afin de ne pas subir les stades ultimes et dramatiques des pathologies à pronostic existentiel que les progrès de la médecine ont fabriquées.

Concernant les maisons d'accompagnement, nous nous félicitons que l'essentiel des propositions du rapport rédigé par le Pr Chauvin, intitulé « Vers un modèle français des soins d'accompagnement », ait été reprise dans le projet de loi. Les intervenants précédents ont souligné la difficulté de mourir à domicile, et les maisons d'accompagnement, en tant que tiers lieu, représentent un dispositif intéressant. Cependant, il convient de prêter attention à la situation des Ehpad, qui sont, de fait, des maisons d'accompagnement, et où survient le quart des décès. La création des maisons d'accompagnement doit entraîner une réflexion par rapport aux Ehpad, en termes de complémentarité des populations visées, mais aussi d'équité des moyens mis à disposition.

Aujourd'hui, 99 % des personnes qui entrent dans nos établissements, n'ont pas nommé leur personne de confiance, n'ont pas rédigé leurs directives anticipées et ne disposent pas de ce droit à être entendu le jour où elles ne seront plus en mesure d'exprimer leur volonté. Il nous faut collectivement avancer sur ce point, afin que les nouvelles générations puissent anticiper le drame des maladies chroniques et neurodégénératives.

L'aide active à mourir concerne peu les grands vieillards. Leur mort est le plus souvent une mort douce, à condition de respecter la loi Claeys-Leonetti, c'est-à-dire de mettre en retrait la technique au profit de l'humanité. Cependant, il convient dès à présent d'appréhender les situations de mal-mourir que nous rencontrerons à l'avenir, ainsi que les attentes de nos contemporains qui souhaiteront peut-être, parce que le dolorisme n'est plus de ce monde, anticiper des drames extrêmes. Les directives anticipées précises, argumentées sont déjà légalement opposables. Or, dans votre projet de loi, vous écrivez que l'accès exceptionnel à une aide active à mourir suppose que la personne soit en possession de son discernement, ce qui semble contradictoire avec le principe de la directive anticipée.

Notre expérience montre que les personnes vulnérables risquent tout autant, sinon davantage, l'obstination déraisonnable que l'abandon. S'il est impératif de prêter attention à ces personnes âgées et fragiles, il convient de garder à l'esprit qu'elles sont exposées à la fois à l'excès de soins et à l'insuffisance de soins.

Enfin, nous considérons qu'il convient de démédicaliser la fin de vie, c'est-à-dire engager moins de technique, mais aussi la remédicaliser en humanité. Les médecins et le corps soignant ne peuvent pas abandonner leurs malades, quels que soient les droits que vous accorderez aux patients. Le soignant doit rester cette main qui accompagne jusqu'au bout, nonobstant la clause de conscience et quelles que soient ses convictions personnelles, parce que nous en avons besoin à tous les stades de l'accompagnement, du diagnostic jusqu'à la mort. Nous souhaitons que la loi concilie le techniquement possible et l'humainement souhaitable, pour reprendre les termes de Jean Leonetti, ainsi que l'éthique de l'autonomie et l'éthique de la vulnérabilité. La loi devra également protéger les médecins qui assumeraient, en conscience et en responsabilité, des actes pouvant conduire à la mort. Enfin, elle devra se prémunir contre toute dérive quant à son recours, parce que donner la mort reste un interdit anthropologique et que l'on ne peut le braver, dans la singularité, dans la conscience, qu'en rassurant tous ceux qui craignent les dérives.

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