Il convient, pour des raisons philosophiques et déontologiques, de séparer les question des soins et de la fin de vie. Un médecin, guidé par le code de déontologie et le serment d'Hippocrate, ne doit pas donner délibérément la mort. C'est sa raison d'être. S'il apparaît que son rôle est aussi d'accompagner un patient qui aurait choisi de mourir au terme du processus, son premier réflexe doit être de ramener ce patient vers les soins et, si cela est possible, vers un espoir de survie.
Cet espoir de survie amène à la question de l'éligibilité. Récemment, une équipe de soins palliatifs me confiait que, sur 1 200 patients pris en charge, la thérapeutique s'est avérée insuffisante pour soulager la souffrance dans cinq cas seulement. À cette aune, la disposition du texte selon laquelle le médecin décide, en fonction de l'état du patient, s'il donne suite à sa demande d'aide à mourir, semble insuffisante. La décision d'éligibilité doit être collégiale.
Si, comme le prévoient les textes, engager un traitement d'oncologie réclame une réunion de concertation pluridisciplinaire, c'est-à-dire une appréciation collective de l'état du patient et des possibilités thérapeutiques, il me paraît évident que l'engagement d'une procédure d'aide à mourir implique un niveau au moins égal de collégialité. Il n'est pas concevable qu'un médecin se trouve seul face à une décision aussi grave.
Nous attachons beaucoup d'importance à la clause de conscience spécifique, qui suppose effectivement qu'un médecin ne pourra pas faire jouer sa clause de conscience sans apporter au patient une solution alternative. Je rappelle que le corps médical, s'il évolue sur la question de l'aide à mourir, y reste majoritairement opposé. Un sondage indique que 66 % des répondants sont défavorables, pour 23 % favorables et 11 % qui s'abstiennent.
Les médecins de ville sont isolés face à ces situations. Ils ne pourront pas gérer seuls les demandes d'aide à mourir de leurs patients. C'est la raison pour laquelle, sur ce sujet mais aussi de manière générale, des équipes de soins territoriales sont indispensables.
Si elles ne résoudront pas toutes les questions liées à la fin de vie, les directives anticipées sont à nos yeux un excellent mécanisme. Il faut cependant mesurer l'extrême difficulté de leur rédaction. En outre, si leur inscription dans le dossier médical partagé apparaît une solution pratique intéressante, il est nécessaire de faciliter leur modification à tout moment.
Si une définition du court terme est relativement aisée, définir précisément le moyen terme et inscrire un délai précis dans la loi seraient déraisonnables. Un patient, souhaitant savoir combien de temps il lui reste, ne cherche pas à connaître la date de sa mort. Il cherche à déterminer à partir de quel moment la vie ne lui sera plus supportable, ce qui est naturellement impossible à établir. C'est la raison pour laquelle seule l'appréhension au cas par cas peut prévaloir.
La commission de contrôle et d'évaluation dispose d'une prérogative qui nous interpelle. Elle est fondée à poursuivre un médecin devant la chambre disciplinaire de première instance si elle constate des manquements déontologiques. Or, le médecin, déjà isolé face au patient, sera seul face à l'entourage, dont certains membres seront favorables à l'aide à mourir et d'autres défavorables. Il s'en trouvera toujours un pour contester la décision et porter plainte contre le médecin.