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Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président :

Cette commission d'enquête me paraît intéressante et utile. J'ai l'espoir qu'elle nous offre l'occasion d'engager un travail de fond et d'écouter véritablement les divers arguments en présence, en échappant aux caricatures.

Nous ne partons pas du même présupposé. Pour ma part, j'estime que la dette actuelle est très largement soutenable et qu'on se sert de celle-ci pour mener des politiques de baisse des dépenses publiques et de remise en question de la protection sociale. D'un côté, on nous explique que notre pays est quasiment en faillite mais, d'un autre côté, on constate que, lorsqu'on émet des bons sur les marchés, la demande est deux fois supérieure à l'offre. Les taux d'intérêt actuels demeurent négatifs – autrement dit, inférieurs à l'inflation –, ce qui relativisait, par avance, les notes des agences – je ne suis d'ailleurs pas de ceux qui pensaient que cela pouvait avoir une incidence sur la politique économique. J'observe que la crédibilité de ces notations est contestée, au moins dans les pays riches, comme le montre la position de l'AMF (Autorité des marchés financiers) – les marchés sont plus crédibles, paradoxalement, dans la manière dont ils considèrent la dette.

Pour mesurer la soutenabilité de la dette, il faut également prendre en compte le fait que les 3 000 milliards annoncés portent sur une durée de 8 ans et 140 jours, soit la durée moyenne de l'emprunt en France. Si l'on ramène ce chiffre à une période annuelle, on constate que le taux d'endettement est proche de 13 % : il se situe donc à un niveau très inférieur à celui qui est annoncé. Et encore, on ne tient pas compte des actifs : si les marchés réagissent aussi bien, c'est parce que la France possède un patrimoine considérable, dont une part est constituée par l'administration publique. De ce fait, notre actif dépasse largement notre dette. Je ne pense donc pas qu'il y ait péril en la demeure et que l'on soit confronté à un risque systémique comme a pu l'être la Grèce.

Il n'en reste pas moins que plusieurs des questions que vous soulevez, madame Louwagie, présentent un grand intérêt. La première d'entre elles concerne les causes de la dette. Emmanuel Macron a reconnu – rejoignant ainsi des positions que je défends depuis longtemps – que le déficit a augmenté en 2023 en raison d'une baisse des recettes. Cette évolution n'est donc pas due à une hausse des dépenses publiques. J'espère que l'on s'intéressera aux baisses d'imposition, qui sont très inégalement partagées – elles profitent notamment au capital. Hier, Bruno Le Maire affirmait que 25 % du stock de la dette était issu du covid. Il serait intéressant de s'interroger sur la légitimité de la dette et, pourquoi pas, sur l'annulation d'une partie de celle-ci – cela s'est déjà produit, au cours de l'histoire, dans des circonstances tout aussi exceptionnelles.

Une deuxième question importante est de savoir qui détient la dette. Elle n'a pas toujours été aux mains des marchés financiers. Il fut un temps où elle était détenue par les banques centrales et, donc, au temps où celles-ci n'étaient pas indépendantes, par l'État lui-même. La dette covid présente la particularité d'être détenue par la Banque centrale européenne (BCE). Cela a des conséquences importantes car, si on décidait d'annuler la dette ou de reporter les remboursements, on ne ferait pas défaut vis-à-vis des marchés. Par ailleurs, alors que la dette japonaise, qui atteint 260 % du PIB, est détenue par des nationaux, la nôtre est, de manière croissante, aux mains de fonds étrangers, ce qui peut être source de difficultés. Il faudra que l'on puisse aborder ces sujets.

La troisième question que vous avez soulevée concerne l'utilisation de la dette. C'est peut-être la question principale car elle nous amène à nous interroger sur son bien-fondé.

J'espère que nous pourrons traiter ces questions de la manière la plus honnête possible.

Mon prédécesseur M. Éric Woerth affirmait, le 17 avril 2020, lors de l'examen d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR) : « En réalité, la dette est quasi éternelle. Tout le monde sait que personne ne rembourse jamais la dette ». En effet, la dette roule ; elle est un stock. Ce qu'il faut regarder, c'est la charge de la dette et, encore une fois, je demande qu'on la considère en pourcentage du PIB, ce qui donne des chiffres différents des valeurs brutes qui sont évoquées. D'après le programme de stabilité, la charge de la dette devrait passer de 1,7 à 2,6 % du PIB. Il est moins effrayant de présenter les choses ainsi que de dire que la charge de la dette va passer de 40 à 74 milliards, et cela a également plus de sens.

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