J'aimerais revenir non pas sur le contenu des propositions, même si beaucoup de remarques intéressantes ont été faites à leur sujet, mais sur la question de la valeur du vote que nous allons émettre.
Vous avez rappelé, monsieur le président, que les groupes pouvaient joindre leur contribution au rapport.
Cette commission d'enquête résulte du droit de tirage d'un groupe d'opposition. Voulez-vous créer un précédent en rejetant le texte d'un rapporteur qui est par construction issu d'un groupe d'opposition ? Ne serait-ce pas là un changement de fonctionnement de notre assemblée, puisque les commissions d'enquête de l'opposition pourraient ne plus donner lieu à des rapports et que les citoyens pourraient ne plus en être informés ?
Cherchons au nom de quels arguments une commission d'enquête pourrait être jugée défaillante. Peut-on dire qu'elle n'a pas assez travaillé ? Non : vous avez rappelé les 45 auditions de 165 personnes pendant 80 heures. La commission d'enquête a-t-elle omis d'entendre des personnes qui auraient évidemment dû l'être ? Y a-t-il eu des manipulations pour éviter certaines auditions ? Je ne le crois pas. Est-ce qu'inversement, des personnes qui ont été auditionnées n'auraient pas dû l'être ? Je ne le crois pas non plus. Celles qui ont été entendues l'ont été parce qu'il y avait une demande, et pas seulement du rapporteur : des auditions ont été organisées à la demande de certains groupes qui étaient en désaccord avec la façon dont les travaux étaient menés. Chaque groupe a-t-il pu s'exprimer et obtenir les réponses qu'il souhaitait ? Il me semble, monsieur le président, que vous avez veillé à ce que ce soit le cas. Ce travail-là a été fait, même si nous avons pu avoir des échanges sur la façon dont cette présidence était menée, ou sur la façon dont vous vous êtes exprimé dans les médias, et donc sur la question de l'impartialité.
Nous avons tous envie de discuter du fond, comme le rapporteur nous le propose d'ailleurs. Mais j'alerte chacun sur le sens du vote, dès lors que ces conditions sont remplies, quelles que soient les propositions du rapporteur que chacun aura tout loisir de discuter. Un débat est déjà lancé : le fait que ces propositions soient déjà connues de la presse est un problème en soi, mais aussi le signe que chacun a envie de se saisir de ce rapport et d'en discuter, démocratiquement. Notre commission a suscité l'intérêt de nos concitoyens ; il y a eu des pics d'audience sur La Chaîne parlementaire. Beaucoup de gens se creusent la tête et se demandent comment l'Arcom va pouvoir appliquer la décision du Conseil d'État. Certains ont défendu des chaînes qui se sentent menacées, d'autres ont signé des pétitions. En empêchant la publication du rapport, attendu, y compris pour pouvoir le dézinguer et dézinguer le rapporteur – c'est la règle du jeu –, quel message enverraient les groupes majoritaires de l'Assemblée nationale ?
Il est question du droit à l'information, et vous prendriez le risque que les citoyens comprennent que vous ne souhaitez pas les informer de travaux menés sur ce sujet : c'est une mise en abyme un peu effrayante.
Nous pourrions poursuivre les débats qui ont commencé pendant les auditions, et ce sera le cas quand des propositions de loi seront déposées. Nous ne vous demandons pas aujourd'hui de voter pour une proposition de loi de La France insoumise. Vous pourrez, dans dix jours, faire savoir votre opposition frontale aux propositions du rapporteur. Mais il serait terrible, pour la démocratie, que, pour presque la première fois sous la Ve République ou presque, l'Assemblée nationale refuse le rapport d'une commission d'enquête menée par un groupe d'opposition, et résultant de son droit de tirage.