Lorsque nous avons établi notre plan de filière il y a quelques années, à Inaporc, nous avons reçu quelques injonctions politiques, en particulier sur le bio : on nous a dit qu'il en fallait 25 %. Il y a des productions où c'est plus simple ; pour le cochon, cela multiplie le coût de production par trois. L'autre souci, c'est l'équilibre carcasse : même en Chine, on ne peut pas vendre des pieds bio au prix du bio ; on les vend au prix du porc conventionnel. Le surcoût de production qu'implique le bio n'est donc supporté que par quelques pièces du cochon ; il est difficile de le valoriser complètement.
On nous avait donc demandé 25 % de bio ; dans le plan de filière, parce qu'on nous a un peu tordu le bras, on a inscrit un objectif de 10 % – à l'époque, on était à 0,6 %. Finalement, avant la crise ukrainienne et, plus globalement, la crise du pouvoir d'achat, nous étions montés à 1,5 %. Aujourd'hui, tous les éleveurs bio de porcs sont en difficulté, à part les quelques-uns qui ont réussi à avoir des contrats solides. J'ai dans ma coopérative des jeunes à qui on a dit, lorsqu'ils se sont installés, qu'il fallait faire du bio. Ils ont monté des élevages tout neufs, très modernes, et ils sont aujourd'hui en difficulté.
La leçon à retenir, c'est qu'il ne faut pas violer le marché : le consommateur n'achète que ce qu'il veut ou ce qu'il peut. Il faut suivre le marché ; on peut influer un peu sur lui, mais on ne peut pas le changer du tout au tout. La montée en gamme, pourquoi pas ? Mais il faut que le consommateur soit prêt à la payer. Nous, nous produisons ce que le consommateur veut bien nous acheter. Il faut quinze ans pour amortir nos bâtiments. Or les bâtiments d'un élevage bio sont très spécifiques et coûtent très cher, d'où les difficultés des éleveurs qui se sont lancés là-dedans. Oui à la montée en gamme, à condition qu'il y ait un marché en face ; sinon, on se fait nettoyer par nos concurrents. Nous évoluons dans un monde économique qui est difficile.