La question du revenu, que nous avons identifiée comme une des sources de la décapitalisation, est à l'origine des lois Egalim. Si on veut réorienter les choses, il faut rémunérer correctement, ce qui implique de se fonder sur les indicateurs de coûts de production pour déterminer le prix à payer. Toutefois, la loi interdit à INTERBEV, en sa qualité d'interprofession, de parler de prix, notamment pour éviter les ententes – quand bien même nous serions autorisés à en discuter, nous n'arriverions peut-être pas à nous accorder, le grand nombre de parties prenantes rendant la chose particulièrement complexe.
Nous avons néanmoins réussi à nous mettre d'accord sur un certain nombre de points importants, à commencer par des méthodes de calcul des coûts de production, ce qui n'est pas aussi simple à réaliser dans un modèle d'élevage comme le nôtre, qui comporte différentes catégories – mâles, femelles, jeunes, vieux. On observe une prise de conscience du fait qu'il faut accorder de l'attention à la rémunération.
Concernant la distribution, il y a moins de réticences qu'avant au fait d'intégrer les indicateurs de coûts de production dans les contrats, mais cela ne peut fonctionner que si tout le monde le fait. Or, quelqu'un préférera toujours contourner la loi et créer une centrale d'achat ailleurs en Europe plutôt qu'en France, avant que d'autres ne l'imitent. On note toutefois un changement de paradigme et de sensibilité : les gens constatent qu'il y a un peu le feu dans la maison et cherchent des solutions. Nous avons l'avantage de disposer des outils, que nous mettons à jour tous les six mois, quelles que soient les catégories – non seulement les vaches, veaux, génisses, laitières, mais aussi les veaux de boucherie et l'ensemble des catégories en bio. Nous avons aussi les méthodes de calcul, les contrats-cadres et autres outils de contractualisation, ainsi qu'un observatoire INTERBEV qui centralise les données concernant la contractualisation. On note d'ailleurs que le taux de contractualisation est le plus élevé dans le domaine où on pensait qu'il serait le plus faible, c'est-à-dire pour l'exportation de jeunes bovins lorsque l'acheteur final n'est pas connu. Malgré Egalim, il faut encore pousser pour créer les conditions de la rémunération correcte de tous les maillons, producteurs compris. La question est de savoir comment enclencher cela. Tout n'est pas à jeter, mais il est important de continuer.