L'association INTERBEV, qui existe depuis plus de quarante ans, est composée de cinq sections, parmi lesquelles la section bovine. Vingt-deux organisations professionnelles nationales y sont regroupées en quatre collèges, qui ne peuvent adopter des accords interprofessionnels qu'à l'unanimité. L'interprofession est « longue », car elle débute à la production et s'étend jusqu'à la distribution, en passant par l'abattage, la transformation et la mise des viandes sur le marché. Notre association a d'abord pour objectif de préciser les relations entre les différents intermédiaires, à travers des accords interprofessionnels qui ont force de loi. Elle gère également la communication, en interne comme en externe, notamment autour des produits. Différentes commissions travaillent sur plusieurs sujets, tels que les enjeux sociétaux ou le commerce extérieur, puisque nous échangeons beaucoup avec des partenaires européens, voire avec des pays tiers.
Dans le cadre d'un plan de filière défini il y a plusieurs années, nous avons cherché à répondre aux attentes du consommateur en matière de sécurité et de qualité des produits. Un engagement sociétal sur ce point a été certifié par une norme ISO de l'Association française de normalisation (AFNOR). Cette démarche ne concerne pas seulement la production : elle touche aussi à des enjeux sociétaux, environnementaux et de bien-être animal, qui supposent des échanges avec des associations de protection de l'environnement ou des animaux.
Depuis 2016, la France a perdu plus de 900 000 vaches, l'effectif total du cheptel ayant été ramené de 8 à 7 millions, lait et viande confondus. Pendant quelques années, l'abattage a contribué à créer de l'activité, mais celle-ci n'était qu'artificielle puisque nous perdions ainsi tant les vaches que les veaux auxquels elles auraient pu donner naissance. Entre 2016 et 2021, la décapitalisation s'est paradoxalement faite sans baisse de la production de viande, mais ce n'est désormais plus le cas. La consommation diminue, certes, mais beaucoup moins vite que la production, si bien que l'approvisionnement est de moins en moins facile pour la filière. Si l'on enrayait la décapitalisation, on observerait une rupture de charge en matière d'abattage, ce qui n'est pas le cas pour toutes les productions.
Nous avons des échanges à un niveau intra-européen car les habitudes des consommateurs varient selon les pays : les Français consomment plutôt de la viande de femelle alors qu'en Allemagne, en Italie ou en Grèce, on constate une préférence pour les animaux jeunes. Nous avons donc créé des marques, comme Charoluxe ou Bovillage, spécialement distribuées dans ces pays. À l'inverse, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Irlande nous retournent des pièces spécifiques, telles que la hampe ou la bavette, que nous ne trouvons souvent pas assez sur les carcasses. Ces échanges commerciaux ne nous posent pas de problème, à condition que les importations respectent les standards imposés à nos productions. S'agissant des exportations, nous nous adaptons aux souhaits de l'acheteur : en Europe, les demandes concernent certains types de produits, alors que les pays tiers, notamment asiatiques, ont souvent des exigences sanitaires qui nécessitent des agréments d'abattoir et des audits réguliers. Nous sommes à la recherche d'un équilibre commercial, qui tient compte de la nécessité de valoriser des produits peu consommés en France, comme les abats, mais qui pourraient l'être en Asie. Nous avons ainsi demandé un agrément pour les abats ou les animaux de moins de 30 mois.
La filière viande, ovins compris, représente quelque 500 000 emplois et des productions très diverses. Elle fonctionne selon un modèle d'élevage fondé sur la valorisation de millions d'hectares de prairies et caractérisé par une très grande autonomie : contrairement à ce qui est pratiqué ailleurs, les éleveurs produisent eux-mêmes la majeure partie de l'alimentation de leurs animaux.
La filière perd peu à peu sa souveraineté. Dans le cadre d'un plan de reconquête, nous devons donc trouver les ressources pour défendre notre modèle d'élevage et notre filière, caractérisée par le respect du principe de précaution et la garantie de la traçabilité. Il convient aussi de renouveler les générations et de contractualiser afin de donner des perspectives aux éleveurs en activité et aux nouvelles générations.
La France ne peut pas continuer de perdre ses élevages et ses vaches. Compte tenu de la baisse de consommation observée cette dernière décennie, de la pyramide des âges et des données de la Mutualité sociale agricole (MSA), le taux d'auto-approvisionnement en viande bovine en France pourrait tomber à 67 % en 2035. Nous essayons d'inverser cette tendance en favorisant le recours à la contractualisation, la visibilité et la traçabilité des produits. Il s'agit de préserver l'élevage, la filière et les emplois sur tout le territoire. Le plus important est que le consommateur puisse, dans n'importe quelles circonstances, avoir accès à l'origine de la viande, qu'elle soit brute, transformée ou utilisée comme ingrédient. Il nous faut absolument une transparence en la matière.